Selarl : avoir son compte courant d'associé débiteur est un juste motif de révocation, mais non d'exclusion

  • Article publié le 6 juil. 2015

Cependant, il ne faudrait pas en conclure pour autant qu'un associé peut avoir son compte courant d'associé débiteur... ceci reste interdit, même pour les associés non gérants.

L'affaire

Au sein d'une SELARL constituée entre cinq professionnels, l'un des associés est révoqué de ses fonctions de cogérant et exclu de la société pour le principal motif que son compte courant d'associé est constamment débiteur.

Cette révocation et cette exclusion ont été prononcées à la majorité requise lors d'une assemblée générale et conformément aux dispositions des statuts de la société.

Mais l'associé concerné considère quant à lui que le fait que son compte courant d'associé soit débiteur ne constitue pas une faute dans l'exercice de ses fonctions. En conséquence, il considère qu'il a droit à l'indemnisation prévue dans les statuts en cas de révocation sans motif légitime, à savoir une somme représentant douze fois sa rémunération mensuelle moyenne sur les deux derniers exercices (162.000 € en l'occurrence).

Par ailleurs, si les statuts prévoient également qu'un associé peut être exclu lorsqu'il « contrevient aux règles de fonctionnement de la société », il considère là encore que le fait que son compte courant d'associé soit débiteur ne contrevient pas à ces règles de fonctionnement et ne constitue donc pas un motif d'exclusion. D'où une demande de dommages-intérêts de 120.000 € en réparation du préjudice moral et financier subi.

Les juges

Dans un premier temps, les juges lui donnent tort sur toute la ligne et confirment donc sa révocation et son exclusion sans indemnisation.

Mais la cour d'appel considère au contraire que c'est à tort que les juges se sont prononcés dans ce sens.

Selon elle en effet,  même si, en vertu des dispositions de l'article L. 223-21 du code de commerce, aucun associé ou gérant ne peut avoir, à quelque moment que ce soit, un compte courant débiteur à l'égard de la société, ceci ne constitue pas nécessairement, au regard de la pratique existant au sein de la société, une faute constitutive d'un motif légitime de révocation, ni par conséquent d'exclusion.

La cour de cassation

La cour de cassation, quant à elle, coupe la poire en deux.

Dès lors que la cour d'appel a relevé que l'associé  faisait fonctionner son compte courant d'associé en position débitrice et avait maintenu cette situation en dépit des avertissements reçus, à la fois du cogérant et de ses coassociés, elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, desquelles il résultait que la révocation de l'associé, qui avait contrevenu à l'interdiction édictée par l'article L. 223-21 du code de commerce, était fondée sur un juste motif.

La société n'est donc pas redevable des 162.000 € d'indemnisation réclamé par le cogérant, celui-ci étant au contraire condamné à payer la somme de 3.000 € à sa société.

Par contre, les juges de la haute cour ont confirmé que l'exclusion de l'associé avait été prononcée sans motif légitime et ont donc confirmé la condamnation de la société à lui verser la somme de 120.000 € à titre de dommages-intérêts.

Source : Cour de cassation, chambre commerciale, audience publique du mercredi 27 mai 2015, pourvoi n° 14-14540, non publié au bulletin.