Obésité, habillement, barbe, tatouage, piercing : ce que l’employeur peut proscrire (ou pas)

  • Article publié le 11 nov. 2019

Régulièrement saisi de réclamations au sujet des exigences des employeurs relatives à l’apparence physique ou vestimentaire de leurs salariés, le défenseur des droits vient d’émettre une décision-cadre rappelant ce qui est possible (ou pas) en la matière.

Obésité

Selon le baromètre de l’OIT et du Défenseur des droits, l’apparence physique est le 2ème critère cité  (29 % pour les femmes et 20 % pour les hommes) parmi les discriminations perçues par les demandeurs d’emploi interrogés.

L’obésité et le surpoids figurent parmi les premières causes de discrimination sur ce critère.

Pourtant, il est discriminatoire de refuser d’embaucher, de sanctionner ou de licencier un salarié en raison de son poids.

Le simple contact avec la clientèle ne peut justifier, à lui-seul, d’exiger des salariés d’avoir une certaine silhouette ou d’exclure d’office les personnes qui ne seraient pas minces ou qui seraient obèses ou en surpoids.

Il est ainsi illégal de refuser d’embaucher des jeunes femmes en qualité d’hôtesses d’accueil en raison de leurs mensurations ou de leur morphologie.

De même, le fait pour un employeur de demander à connaître le poids et la taille des salariés et futurs salariés ne peut être justifié que si cette demande systématique faite à tous les salariés est motivée par la fourniture d’une tenue de travail. En revanche, cette demande ne doit en aucun cas avoir pour objectif de sélectionner les candidats sur leurs mensurations.

Néanmoins, des exigences physiques et/ou esthétiques liées au poids ont déjà été admises par les tribunaux mais uniquement dans des circonstances exceptionnelles et dûment justifiées (danseuse de revue, salariés chargés de la vente de produits amaigrissants ou de la promotion d’une méthode de régime).

Enfin, le dépassement d’un certain poids maximal ne peut en lui-même justifier un licenciement en l’absence d’éléments objectifs selon lesquels la norme de minceur imposée est raisonnable et l’image de  marque de l’employeur a été effectivement ternie par ce changement morphologique ou risque de l’être.

Tenues vestimentaires

Bien entendu, l'employeur peut exiger le port d'une tenue de travail destinée à protéger le salarié contre l'utilisation de produits ou d'outils dangereux pour autant que cette obligation soit justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

De même, l’employeur peut légitimement imposer à son personnel médical, tout comme de tout salarié en contact avec des aliments ayant vocation à être servis au public (restauration, industrie alimentaire, etc.), une hygiène irréprochable en raison du risque de transmission de maladie (ex: obligation de porter des ongles courts et soignés, le cas échéant sans vernis ni faux-ongles).

La tenue sale d'un ouvrier charcutier qui avait fait l'objet de remarques défavorables de la part de la clientèle a ainsi été considérée comme une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Par ailleurs, si  de  simples négligences vestimentaires ne peuvent pas justifier un licenciement, l’employeur reste a priori en droit d’exiger que ses salariés en contact avec le public soient coiffés et habillés de manière convenable.

Ces exigences reconnues par la jurisprudence semblent justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées par rapport au but de servir au mieux la clientèle.

De même, l’employeur peut interdire le port de tenues considérées comme indécentes susceptibles de créer un trouble dans l’entreprise ou de choquer la clientèle.

Toutefois,  dans  ce  cas-là, il est nécessaire pour l’employeur  de  rapporter la preuve que la tenue prétendument indécente caractérise un abus préjudiciable à l’entreprise. Ainsi, le fait d’avoir sanctionné une salariée du seul fait qu’elle portait des vêtements moulants a été jugé abusif, faute d’avoir pu justifier en quoi ce type de tenue portait préjudice.

Dans un registre différent, un employeur pourrait également interdire à son personnel de porter des vêtements comportant des messages violents, racistes, sexistes, homophobes, grossiers ou vulgaires.

Enfin, le port de la cravate peut être imposé aux hommes mais cette appréciation se fait au cas par cas  en fonction du poste et de son caractère proportionné.  Ainsi,  il  a  été  jugé  que  la disposition d’un règlement intérieur imposant pour le personnel ambulancier le port obligatoire d’une cravate et précisant « pas de jeans ni de baskets » constituait une atteinte illégale à la liberté de se vêtir. Ces exigences du règlement intérieur étaient plus contraignantes que celles de  la  convention  collective, laquelle  prévoyait  pour  le  personnel  ambulancier  simplement  une  tenue soignée et le port obligatoire d’une blouse blanche.

Coiffure

Selon  une  jurisprudence  constante,  le  non-respect  des  mesures d’hygiène corporelle, tel qu’avoir des cheveux propres, les attacher ou porter une charlotte de protection, notamment lorsque les salariés sont en contact avec des denrées alimentaires ou travaillent dans le secteur médical, peut valablement justifier des sanctions.

Le fait d’imposer des cheveux attachés, où d’une longueur compatible avec le port d’une coiffe, peut également relever de mesures de sécurité. Mais là encore, il faut s’assurer que ces mesures générales soient effectivement dûment justifiées au regard du poste occupé et proportionnées pour être conformes au droit de la non-discrimination fondée sur l’apparence physique.

Autrement, il apparaît à ce jour que  seules les sanctions opposées aux salariés portant des coiffures excentriques (coupe à l’iroquoise par exemple) ont été admises par les tribunaux.

Enfin, le défenseur des droits souligne que des restrictions concernant la coiffure du cheveu texturé (afro, tresses, dreadlocks, etc) ou des exigences de coiffure obéissant à des normes euro-centrées sont susceptibles de caractériser des discriminations fondées sur l’apparence physique rapportée à l’origine ethnique (et sont donc interdites).

Barbe

Il résulte de la jurisprudence que rien ne permet d’établir que le port de la barbe (ou l’absence de rasage) soit de nature à porter atteinte à l’image de marque d’une entreprise privée.

Il est donc en principe abusif d’exiger des salariés qu’ils se rasent la barbe (sauf pour des raisons de sécurité bien entendu).

Néanmoins, il a été jugé que des remarques non vexatoires rappelant une exigence de présentation soignée dans un métier commercial sont  justifiées par des éléments objectifs.

De même, l’apparence physique d’un soignant mal rasé a pu être entendue comme ne participant pas à « la  plus grande  propreté  corporelle »  requise  par  le règlement intérieur d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Par contre, la liberté de porter la barbe est protégée non seulement par le droit de la non-discrimination fondé sur l’apparence physique mais également celui fondé sur les convictions religieuses.

Tatouages et piercings

Les considérations générales liées à l’image de l’entreprise ne permettent pas, en tant que telles, de justifier des restrictions générales et absolues en matière de tatouage et de piercing.

Les employeurs doivent donc dûment justifier le caractère approprié et proportionné de ces restrictions.

Néanmoins, les exigences du poste lui-même peuvent justifier des restrictions.

De même, les tatouages comportant des images ou des messages violents ou offensants, racistes, antisémites, sexistes, qui sont contraires à la morale ou à l’ordre public peuvent être interdits sur le fondement de l’obligation de santé et de sécurité exigeant d’interdire la violence, le harcèlement et la discrimination.

Quant aux piercings, la tendance actuelle démontre que les juridictions sont devenues nettement plus permissives y compris concernant des postes où les salariés sont en contact avec la clientèle voire dans des métiers de représentation. Même si l’appréciation se fait au cas par cas, les juges exercent un strict contrôle afin d’apprécier si les restrictions des employeurs sont légitimes et proportionnées en matière de piercings.

Source : Décision-cadre du défenseur des droits n° 2019-205, octobre 2019.