Cession d'une participation majoritaire du capital : la Loi Hamon en partie retoquée
- Article publié le 20 juil. 2015
D'un côté, le Conseil Constitutionnel considère que l'obligation d'informer les salariés est conforme à la Constitution, mais de l'autre, il annule la sanction encourue, manifestement disproportionnée selon lui à la liberté d'entreprendre.
Depuis le 1er novembre 2014, la cession d'une participation majoritaire dans le capital d'une société, doit au préalable être signifiée à chacun des salariés de l'entreprise afin de leur permettre de faire une offre de rachat.
Nota : cette obligation d'information n'est toutefois pas applicable en cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession du fonds ou des parts sociales à un conjoint, à un ascendant ou à un descendant.
En outre, à défaut de respecter cette obligation, tout salarié peut demander l'annulation de la cession intervenue, et cette action se prescrit par deux mois à compter de la date de publication de la cession de la participation ou de la date à laquelle tous les salariés en ont été informés.
Saisi par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité à ce sujet, le Conseil Constitutionnel vient de faire connaître sa décision...
L'obligation d'informer les salariés est conforme à la Constitution...
Selon la société requérante, et c'est sans doute l'opinion de bon nombre de chefs d'entreprises également, l'obligation d'informer chaque salarié préalablement à la cession d'une participation majoritaire dans une société de moins de 250 salariés, porte une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété du cédant, protégés l'un comme l'autre par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Mais le Conseil constitutionnel rappelle toutefois qu'en imposant une telle obligation, le législateur a entendu encourager, de façon générale et par tout moyen, la reprise des entreprises et leur poursuite d'activité et que, ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général.
En outre, il constate que, selon la loi, l'information des salariés doit intervenir au plus tard deux mois avant la cession, et que, d'autre part, les salariés sont soumis à une obligation de discrétion s'agissant des informations reçues.
Il s'ensuit selon lui que l'atteinte à la liberté d'entreprendre qui résulte de l'obligation d'informer les salariés n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi par la loi.
Par ailleurs, il considère que l'obligation d'information n'interdit pas au propriétaire de céder librement sa participation dans la société à l'acquéreur de son choix et aux conditions qu'il estime les plus conformes à ses intérêts.
Par suite, les dispositions contestées ne portent aucune atteinte au droit de propriété du cédant.
En conséquence, l'obligation d'informer les salariés n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit.
Mais pas la sanction...
Outre les griefs ci-dessus, la société requérante faisait également valoir qu'en prévoyant que la méconnaissance de l'obligation d'information des salariés pouvait, à la demande de tout salarié, entraîner l'annulation de la cession et en ne prévoyant pas une prescription effective de cette action en nullité, la loi méconnaissait les principes de proportionnalité et de personnalité des peines prévus par la Constitution.
Or cette fois-ci, les Sages approuvent totalement !
Selon eux en effet, non seulement cette possibilité d'annulation, mais aussi le fait :
- qu'elle peut être demandée par un seul salarié, y compris si celui-ci a été personnellement informé du projet de cession ;
- qu'à défaut de publication de la cession cette action en nullité ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle tous les salariés ont été informés de cette cession ;
- que la loi ne détermine pas les critères en vertu desquels le juge peut prononcer cette annulation ;
- que l'obligation d'information a uniquement pour objet de garantir aux salariés le droit de présenter une offre de reprise sans que celle-ci s'impose au cédant ;
Tous ces éléments font donc que cette action en nullité porte "une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d'entreprendre" et elle doit donc être déclarée contraire à la Constitution.
Entrée en vigueur immédiate
Cette décision du Conseil constitutionnel est immédiatement applicable.
Il en résulte que la sanction de nullité ne peut plus s'appliquer aux affaires en cours à la date de sa publication (17 juillet 2015), ni a fortiori aux nouveaux cas.
Il n'y a donc plus aucune sanction spécifique aujourd'hui liée à la non-information des salariés en cas de cession d'une participation majoritaire du capital.
Mais attention, selon un décret à paraître (probablement en octobre prochain) une nouvelle sanction devrait être instituée, et celle-ci devrait prendre la forme d'une amende pouvant atteindre jusqu'à 2 % du prix de vente des parts.