Quand les fondateurs d'une SARL doivent accepter un nouvel associé contre leur volonté

  • Article publié le 14 déc. 2011

Imaginez que cela vous arrive ? Que vous soyez confronté vous aussi à un scénario du genre « laisser entrer le loup dans la bergerie » ? Aucun risque, pensez-vous, puisque vos statuts prévoient que tout nouvel associé doit être agréé par les anciens ! Eh bien détrompez-vous...

Rappel de la réglementation

La SARL a ceci de particulier qu'il s'agit non seulement d'une société de capitaux, mais aussi d'une société de personnes. Ce qui signifie notamment qu'elle est dotée d'un capital, dont le montant est libre, mais qui  est en principe fermé à toute personne extérieure.

Ainsi, le Code de la SARL, qui inclut l'article L.223-14 du code de commerce, prévoit expressément que les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu'avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, voire une majorité plus forte si les statuts en disposent ainsi.

Cependant, les associés qui, en vertu de ce texte, refusent d'agréer un nouvel entrant sont tenus au respect de certaines dispositions.

Ainsi, dans le cas par exemple où l'associé cédant possède ses parts depuis au moins deux ans, ses coassociés sont tenus, dans le délai de trois mois à compter de leur refus, d'acquérir ou de faire acquérir ses parts à un prix fixé par un expert.

Nota : à la demande du gérant, le délai de trois mois ci-dessus peut être prolongé jusqu'à six mois par décision de justice.

De même, la société peut, avec le consentement de l'associé cédant, décider, dans le même délai, de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de cet associé et de racheter ses parts au prix déterminé par l'expert.

L'affaire

Un associé d'une SARL notifie à celle-ci et à ses coassociés un projet de cession de ses parts à un tiers étranger à la société. La société lui fait connaître sa décision de refus d'agrément du candidat acquéreur et, comme le prévoit la loi, s'engage à lui racheter ses parts.

Seulement voilà, après moult tergiversations, l'intervention d'un expert pour déterminer le prix des parts, et la prolongation par la justice du délai de rachat, celui-ci n'est toujours pas intervenu au terme des 6 mois impartis. Seul un acompte a été versé.

Arrive alors ce qui devait arriver : le cédant s'impatiente et agit en justice afin d'être autorisé à céder ses parts au candidat acquéreur non agréé, ceci en application du cinquième alinéa de l'article cité ci-dessus, qui dispose que si, à l'expiration du délai imparti, le rachat par les associés ou par la société n'est pas intervenu, l'associé peut réaliser la cession initialement prévue.

La décision des juges

Tant  la Cour d'appel que la Cour de cassation ont donné raison au plaignant. Les anciens associés ont eu beau faire valoir qu'en demandant une prolongation du délai de rachat, qu'en sollicitant du tribunal la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur des parts, et même qu'en versant un acompte au cédant, ils avaient largement démontré leur volonté ferme et définitive d'acquérir lesdites parts, ces arguments n'ont pas été retenus.

Selon les juges en effet, seul un engagement formel à acquérir les parts au prix fixé par l'expert aurait éventuellement pu faire échec à l'entrée du nouvel associé.

Source : Cour de cassation, chambre commerciale, arrêt n° 10-15887 du 2 novembre 2011.

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