Jurisprudence : sauf dispositions contraires des statuts, la rémunération d'un Gérant de SARL peut être fixée en fin d’exercice seulement

  • Article publié le 21 janv. 2020

Alors qu'elle avait commencé avec une décision dans ce sens pour l’associé unique d’une EURL, l'année 2019 se termine avec la même décision pour le Gérant d’une SARL.

L’affaire

Les statuts d’une SARL prévoient que, au titre de leur rémunération : « les gérants peuvent recevoir un traitement annuel, fixe ou proportionnel, dont la quotité et le mode de paiement seront déterminés par décision ordinaire des associés ou par décision de l'associé unique ».

Une clause très fréquente en vérité.

Mais c'est justement en se fondant sur cette clause qu'un associé poursuit le Gérant en justice au motif que sa rémunération n’était approuvée chaque année qu'en fin d'exercice alors que, selon lui, cette clause impliquait que sa rémunération soit fixée au début.

La justice

Les premiers juges donnent raison au plaignant, estimant en effet que les statuts imposaient que la détermination de la rémunération devait intervenir pour l'exercice comptable futur et non pas pour celui qui se terminait.

Mais aussi bien les juges de la cour d’appel que ceux de la cour de cassation rejettent ce jugement.

Selon eux en effet, les premiers juges ont fait une mauvaise appréciation des termes des statuts puisque, à défaut de préciser si la décision de verser une rémunération au gérant devait intervenir pour l'exercice comptable futur ou pour celui qui se terminait, ils permettaient qu'elle ait lieu indifféremment a priori ou a posteriori.

Prudence

Il ressort de cette décision que, dès lors que les statuts ne s’y opposent pas, le Gérant peut légalement se verser une rémunération avant que le montant de celle-ci ait été fixé par les associés.

Ceci est évidemment appréciable dans la mesure où il n’est pas toujours aisé de déterminer le montant de sa rémunération en début d’exercice. Se rémunérer en fonction de la marche des affaires et des possibilités financières de la société, c’est tout de même mieux.

Cela permet aussi, le cas échéant, de mieux maîtriser l’impôt sur les sociétés ou son impôt sur le revenu (Attention tout de même à l'abus de droit).

Néanmoins, la prudence reste de mise pour plusieurs raisons.

D'abord, précisons que même si son montant peut être fixé ultérieurement, le Gérant ne peut en tout état de cause percevoir une rémunération que si les statuts ou un procès-verbal d'assemblée lui en octroient une.

Par ailleurs, dans l’hypothèse où les associés refuseraient de ratifier sa rémunération a posteriori, par exemple parce que celle-ci s'avérerait trop élevée à leurs yeux, le Gérant pourrait être obligé de restituer tout ou partie des sommes reçues, sous peine d’avoir un compte courant d’associé débiteur, ce qui est strictement interdit par la loi pour les associés personnes physiques, et ce qui par conséquent pourrait engager sa responsabilité pénale.

De même, à supposer que la société vienne à déposer son bilan en cours d'exercice, avant même que la rémunération jusqu'ici perçue ait été approuvée, il n'est pas certain que le liquidateur judiciaire ou le juge commis à la liquidation fassent preuve de la même souplesse que la cour de cassation. Auquel cas, les rémunérations perçues devraient là encore être remboursées et des poursuites pour abus de biens sociaux pourraient même être à craindre...

Enfin, s'agissant d'une SARL à l'IS, gare à un oubli d'approbation de la rémunération en fin d'exercice car, dans ce cas, un éventuel contrôleur du fisc pourrait refuser sa déductibilité au motif que, faute d’avoir fait l’objet d’une décision des associés, cette rémunération ne serait pas due.

Source : Cour de cassation, chambre commerciale, audience publique du mercredi 18 décembre 2019, pourvoi n° 18-13850, non publié au bulletin.

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