Jurisprudence : même si les fonds qu'il a apportés au capital ne lui appartenaient pas, un associé reste associé

  • Article publié le 1 nov. 2016

C'est une situation assez classique : les statuts mentionnent deux associés alors qu'en réalité c'est le même qui a apporté la totalité du capital. Eh bien, tant pis... fallait pas !

L'affaire

Nous sommes en présence de la fameuse SARL entre deux associés à 50/50 et dont l'un des deux seulement est le Gérant (qui est en l'occurrence une Gérante). La mésentente s'installe, ils ne peuvent plus se voir et l'inévitable arrive, la Gérante ne convoque plus son associé aux assemblées générales.

En toute logique, celui-ci assigne alors la société et la Gérante afin de faire annuler les délibérations des assemblées générales auxquelles il n'a pas été convoqué.

Mais la Gérante avait gardé un atout sans sa manche : révélant en effet au tribunal qu'elle avait en fait réglé la totalité des apports lors de la création de la société, au moyen de deux chèques, elle fait valoir que le plaignant n'est en réalité pas associé, qu'il n'a donc pas la qualité pour agir et que sa demande doit par conséquent être jugée irrecevable.

Les juges

Dans un premier temps, les juges donnent raison à la Gérante.

Même la Cour d'appel considère qu‘en application de l'article 1832 du code civil, la constitution d'apports forme l'une des conditions essentielles du contrat de société et que, quelles que soient les clauses des statuts, il appartient à chacun des associés de démontrer la réalité de ses propres apports. Certes l'apport pour le compte de l'associé, constitué d'un chèque signé de la Gérante, pourrait être valable, mais à condition qu'il  soit démontré que cette dernière avait bénéficié auparavant, pour ce faire, d'un don manuel en espèces de la part de l'associé. Ce qui ne l'était pas en l'occurrence. Donc, faute d'apports de sa part à la société, l'associé n'est pas associé et il n'a pas qualité à agir.

Mais les juges de la Cour de cassation ne sont pas du tout de cet avis. Selon eux, ce sont les statuts qui priment. Ceux-ci sont signés par tous les associés et, dès lors qu'ils mentionnent qu'une personne a souscrit des parts sociales et effectué l'apport correspondant, elle a la qualité d'associé et peut exercer les droits et actions qui s'y attachent, peu important les conditions dans lesquelles cet apport a été financé.

Moralité : c'est un peu comme pour un mariage à l'anglo-saxonne : si quelqu'un a quelque chose à reprocher à un futur associé, qu'il le fasse avant de signer les statuts... ou qu'il se taise à jamais !

Source : Cour de cassation, chambre commerciale, audience publique du 20 septembre 2016, pourvoi n° 14-28107