Jurisprudence : du bon usage de la demande d'expertise de gestion par les associés

  • Article publié le 24 janv. 2018

La demande d'expertise de gestion est une arme redoutable dont disposent les associés de SARL, y compris les associés minoritaires, à l'encontre du Gérant. Mais encore faut-il l'utiliser à bon escient...

En effet, l'article L.223-37 du code de commerce permet à un ou plusieurs associés représentant au moins 10 % du capital social, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, de demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

S'il est fait droit à cette demande, la décision de justice détermine l'étendue de la mission et des pouvoirs des experts et elle peut même mettre les honoraires à la charge de la société.

Ajoutons encore que le fait de mettre obstacle à la mission de ces experts (notamment en refusant de leur communiquer les pièces qu'ils demandent) est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 75 000 euros.

Cependant, la Cour de cassation rappelle que toutes les opérations ne peuvent pas pour autant faire l'objet d'une telle demande d'expertise.

L'affaire

Ainsi, dans l'affaire jugée, les associés avaient demandé qu'un expert soit désigné afin de contrôler l'opportunité de la vente projetée de la quasi intégralité de l'actif immobilier de leur Sarl et l'adéquation du prix de vente projeté par rapport aux prix de vente constaté dans l'état actuel du marché.

Or il a été relevé au cours des débats que les statuts de cette société prévoyaient clairement que les « ventes d'établissements commerciaux ou immeubles (…) ne peuvent être réalisés ou consentis qu'avec l'autorisation des associés aux conditions de majorité ordinaire (…) ».

Il s'ensuivait que la décision de céder des actifs immobiliers de la société relevait des attributions de l'assemblée des associés et ne constituait donc pas une « opération de gestion » au sens de l'article L.223-37 rappelé ci-dessus.

De même, les associés avaient demandé à ce que soit désigné un expert pour contrôler l'affectation des bénéfices de la société depuis plusieurs exercices, notamment afin de vérifier l'opportunité d'une affectation systématique des bénéfices à la réserve légale.

La Cour d'appel avait accueilli favorablement cette demande, considérant qu'au regard de l'importance des réserves, la demande d'expertise de gestion présentait un caractère sérieux afin de déterminer quelle était la politique d'investissement de la société, quelle était l'incidence de l'importance de ces réserves sur la valorisation des parts sociales, et si cette situation était conforme à l'intérêt social.

Mais là encore, la Cour de cassation lui a donné tort, en faisant valoir que les décisions d'affectation des bénéfices sont du ressort de l'assemblée des associés et ne constituent donc pas des opérations de gestion susceptibles de faire l'objet d'une demande d'expertise judiciaire.

Source : Cour de cassation, chambre commerciale, audience publique du mercredi 13 septembre 2017, pourvoi n° 15-25950, non publié au bullet