Fiscalité des cessions de parts : quand le fisc outrepasse ses pouvoirs...

  • Article publié le 24 nov. 2015

Selon le Conseil d'Etat, l'administration fiscale a outrepassé ses pouvoirs en considérant que les abattements applicables aux plus-values sur cession de parts s'appliquaient aussi aux moins-values. Les contribuables peuvent réclamer le remboursement des impôts payés à tort.

Ce que dit la loi

La loi de finances pour 2014 (promulguée en décembre 2013) a modifié l'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux (notamment de parts sociales de SARL) réalisées à compter du 1er janvier 2013.

Elle prévoit notamment que le gain net (excédent des plus-values sur les moins-values) réalisé par un contribuable au cours d'une même année à l'occasion de telles cessions est désormais soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu (au lieu d'être assujetti à un taux fixe auparavant).

Toutefois, cette loi prévoit également que le gain net ainsi réalisé peut bénéficier de l'un des abattements suivants :

  • dans le cas général : un abattementde 50 % si la durée de détention des parts est compriseentre deux et huit ans, 65 % au-delà de huit ans ;
  • dans certains cas particuliers(cession d'une PME de moins de 10 ans , cession intrafamiliale ou par un  dirigeant partant à la retraite) : un abattement de 50 % si la durée de détention des parts est comprise entre un et quatre ans ; 65 % entre quatre et huit ans ; 85 % au-delà de huit ans..

Ce que dit l'administration fiscale

Alors que, comme on vient de le voir, l'abattement doit s'appliquer au gain net réalisé (plus-value - moins-value), l'administration fiscale considèrait quant à elle qu'on devait d'abord l'appliquer à chaque plus-value et à chaque moins-value, pour obtenir ensuite le gain net après abattement.

Or, cette interprétation pouvait s'avérer très défavorable au contribuable. Elle pouvait même le rendre imposable alors qu'en réalité il n'avait réalisé aucun gain et ne s'était donc pas enrichi.

Exemple
Un associé réalise la même année une plus-value de 10.000 € à l'occasion d'une cession de parts détenues depuis moins de deux ans et une moins-value de même montant à l'occasion d'une autre cession, pour des titres détenus quant à eux depuis 10 ans.
Selon le code des impôts, le gain net tiré de ces deux cessions étant nul (10.000 – 10.000), il n'est pas imposable.
Alors que, selon le fisc, cet associé a réalisé une plus-value imposable de 10.000 € (pas d'abattement puisque les parts étaient détenues moins de deux ans) et sa moins-value ne peut être retenue que pour seulement 3.500 € puisque, les titres étant détenus depuis plus de 8 ans, elle est réduite de l'abattement de 65 %. Au final donc, cet associé, bien qu'il n'ait réalisé aucun gain, est imposable à hauteur de 6.500 €.
 

Ce que dit le Conseil d'Etat

Selon le Conseil d'Etat, le fisc "a ajouté des dispositions nouvelles qu'aucun texte ne l'autorisait à édicter". C'est donc clair, il a outrepassé ses droits.

Il en résulte que, désormais, le bon mode de calcul de la plus-value imposable est le suivant :

  • dans un premier temps, le contribuable doit, avant tout abattement, déduire de ses plus-values, les moins-values subies la même année ou celles subies les années antérieures et reportées ;
  • et ce n'est que sur le solde obtenu que l'abattement auquel il a éventuellement droit peut être opéré.

Par ailleurs, le Conseil d'État ayant précisé que le contribuable peut imputer ses moins-values sur le montant et sur les plus-values de son choix, il a tout intérêt à déduire en priorité ses moins-values des plus-values qui ne bénéficient pas d'un abattement.

Comment se faire rembourser un trop payé ?

Les contribuables qui n'ont pu imputer en totalité des moins-values dégagées en 2013 (impôt 2014) et en 2014 (impôt 2015) peuvent adresser aux services des impôts une réclamation, étayée par cette décision du Conseil d'Etat, en précisant le montant des moins-values sans abattement, une estimation de l'impôt réellement dû et la demande de remboursement du trop payé.