Au regard du Code du travail, le harcèlement sexuel continue de constituer une infraction pénale

  • Article publié le 1 juin 2012

Si le Conseil Constitutionnel a abrogé l'article du code pénal sanctionnant le harcèlement sexuel, ceci ne concerne pas en revanche les cas de harcèlement sexuel intervenant dans le cadre des relations de travail.

Rappel des dispositions du Code du travail en matière de harcèlement sexuel

Le 5 mai dernier, le Conseil Constitutionnel, saisi par la Cour de cassation d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), a abrogé l’article 222-33 du Code pénal qui sanctionnait d’un an d’emprisonnement et de 15000 € d’amende « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » (Cons. const., 4 mai 2012, déc. n° 2012-240 QPC, JO 5 mai).

Cependant, le même Conseil ne s'est  pas prononcé – ceci ne lui était pas demandé – à l’égard de l'article L.1153-1 du Code du travail, qui dispose que « Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits », ni à l'égard de l'article 1155-2 qui complète le précédent de la manière suivante « Les faits de harcèlement moral et sexuel, définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, sont punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 € ».

Affaires en cours

Comme le souligne une circulaire du ministère de la justice publiée depuis, l'infraction est donc toujours en vigueur. Et si un juge d'instruction ou un tribunal est déjà saisi sur le fondement des articles ci-dessus, la nullité de la qualification juridique ne pourra pas être constatée dès lors que ces articles ne sont pas formellement abrogés.

Néanmoins, cette circulaire souligne également que l'incrimination issue des deux articles du Code du travail n'est pas rédigée de manière plus précise que l'article abrogé du code pénal. Aussi considère-t-elle, dans un souci de sécurité juridique, qu'il serait opportun de privilégier les poursuites sous d'autres qualifications, telles que celles relatives aux harcèlement moral, aux violences volontaires – le cas échéant avec préméditation –, ou à la tentative d'agression sexuelle.

Autres dispositions non abrogées

Il est également rappelé que la décision du Conseil constitutionnel n'a aucune incidence sur l'aspect non pénal de la question. Elle ne remet donc pas en cause le principe de la prohibition du harcèlement, ni les dispositions du Code du travail selon lesquelles :

  • aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel (art. L.1153-2) ;
  • aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés (art. L.1153-3).

Enfin, rappelons également que les employeurs sont tenus de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement sexuel, et que tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement sexuel doit faire l'objet d'une sanction disciplinaire (art. L.1153-5 et 6).

Source : Ministère de la justice, circulaire CRIM-AP n° 10-780-D2 du 10 mai 2012.