Gérant et liquidateur... il ne faut pas confondre, Mrs les juges !

  • Article publié le 21 févr. 2018

Lors de la liquidation amiable d'une SARL, le gérant peut être nommé liquidateur mais, ainsi que vient de le rappeler la Cour de cassation, le liquidateur n'est pas Gérant.

L'affaire

Trois frères associés à parts égales au sein d'une SARL décident de procéder à la dissolution anticipée de leur société et nomment l'un d'eux comme liquidateur.

Problème : celui-ci vend de nombreux actifs de la société à lui-même et à ses enfants alors que la loi interdit expressément toute cession de tout ou partie de l'actif d'une société en liquidation au liquidateur et à ses employés, ainsi qu'à leurs conjoint, ascendants ou descendants.

Les deux autres frères, estimant qu'il a ainsi gravement manqué à ses obligations et privilégié, au préjudice des intérêts de la société, ses propres intérêts ou ceux de ses enfants, l'assignent au nom de la société en réparation du préjudice subi.

Ils se réfèrent pour cela à l'article L.223-22 du code de commerce, lequel prévoit notamment qu'outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, « intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants ».

La Cour d'appel

Bien que l'article précité ne vise expressément que les Gérants, non les liquidateurs, la Cour d'appel fait néanmoins droit à la demande des deux autres associés.

Elle considère en effet que si cet article n'autorise expressément les associés à exercer une action pour le compte de la société qu'à l'encontre des Gérants, les dispositions de la loi sur les sociétés tendent à s'appliquer "aux dirigeants au sens large", cette notion devant recouvrir tous les mandataires sociaux et donc le liquidateur, lequel se substitue aux organes de direction, étant investi des mêmes pouvoirs, même si sa mission a un but déterminé.

Elle considère également que le but de cet article est de permettre de défendre les intérêts de la société victime d'une inaction ou d'un abus de pouvoir, "lequel peut être imputable à un liquidateur amiable comme à tout autre dirigeant".

Enfin, elle retient encore que du fait de la dissolution, le seul représentant de la société est justement le liquidateur amiable, lequel ne peut pas agir contre lui-même.

La Cour de cassation

Confirmant l'une de ses précédentes décisions à ce sujet, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel.

Selon elle en effet, les juges ont violé l'article L.223-22 du code de commerce, qui prévoit qu'une action pour le compte de la société ne peut être exercée par les associés qu'à l'encontre des gérants de la société et non de ses liquidateurs amiables.

La loi, rien que la loi...

Ndlr : attention, en vertu de l'article L.237-12 du code de commerce, le liquidateur reste néanmoins responsable, tant à l'égard de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions. Toute personne qui s'estime lésée peut donc agir en justice contre lui à titre personnel. De même, les associés peuvent, y compris après la clôture de la liquiation, demander en justice la désignation d'un mandataire ad hoc qui pourra agir contre l'ancien liquidateur.
Source : Cour de cassation, chambre commerciale, audience publique du mercredi 6 décembre 2017, n° de pourvoi : 16-21005. Non publié au bulletin.