Lorsqu'ils sont devenus inférieurs à la moitié du capital, les capitaux propres doivent être reconstitués dans les deux ans. Mais que se passe-t-il si la société dépose son bilan entre temps ? Voici la réponse...
Pertes supérieures à 50 % du capital : des sanctions bientôt moins sévères
- Article publié le 15 mars 2023
Un décret doit encore paraître, mais il est désormais acquis que les sanctions applicables en France en cas de pertes supérieures à 50 % du capital – les plus sévères d'Europe ! –, vont être assouplies très prochainement.
Que ce soit pour les SARL/EURL, les SAS/SASU ou les SA, le code de commerce prévoyait jusqu'ici que dans le cas où les capitaux propres de ces sociétés devenaient inférieurs à la moitié de leur capital social, les associés devaient se réunir dans les 4 mois suivant la constatation de cette perte pour décider de dissoudre ou non la société et, en cas de non dissolution, la société avait 2 ans pour remédier à cette situation, faute de quoi tout intéressé était en droit de demander sa dissolution en justice (voir à cet égard notre fiche pratique : « SARL-EURL : les formalités à respecter si les capitaux propres de votre société sont devenus inférieurs à la moitié de son capital »).
Cette sanction radicale – la dissolution judiciaire à la demande de tout intéressé – était particulièrement sévère et même très rare en droit des sociétés. Elle se justifiait à l'origine par le fait que, à l'époque où elle a été instituée (il y a plus de 50 ans !), le capital social représentait réellement le gage des créanciers de la société.
Or, même si ceci est encore vrai aujourd'hui pour les sociétés qui disposent d'un capital conséquent, il n'en reste pas moins que l'obligation de posséder un capital minimum, en particulier pour les SARL, ayant été supprimée depuis 20 ans déjà (loi Dutreil de 2003), l'argument est beaucoup moins pertinent et la sanction apparaît donc nettement disproportionnée.
Et non seulement cela, mais cette sanction radicale constitue même une "surtransposition" de la réglementation européenne puisque celle-ci est beaucoup moins exigeante. Elle impose seulement en effet qu'en cas de perte grave du capital souscrit, l'assemblée générale de la société doit être convoquée afin d'examiner, s'il y a lieu, soit de dissoudre la société, soit d'adopter... toute autre mesure.
Par ce « tout autre mesure », une marge d'appréciation importante est donc laissée aux différents Etats et ceux-ci ne se sont d'ailleurs pas privés d'adopter des mesures plus souples que celles en vigueur chez nous.
En Italie par exemple, la loi laisse aux organes dirigeants la possibilité de choisir entre la dissolution de la société ou l'adoption d'autres mesures (apurement du passif, transformation de la société).
Mieux encore : l'Allemagne, le Royaume Uni (avant sa sortie de l'Union européenne) ou les Pays-Bas, ne mentionnent même pas le cas de dissolution anticipée.
En tout état de cause, dans aucun autre Etat que la France, la perte grave du capital ne débouche sur une dissolution forcée de la société en l'absence de reconstitution de ses capitaux propres.
Les entreprises françaises étaient ainsi particulièrement pénalisées par rapport à leurs concurrentes européennes. A fortiori depuis la crise du Covid-19 qui a gravement atteint les capitaux propres de bon nombre de sociétés, en particulier des TPE et des PME.
Mais cela va changer...
La nouvelle réglementation
Parue au Journal Officiel du 10 mars dernier, une loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne vient assouplir notablement les dispositions ci-dessus.
Certes il faut toujours, comme auparavant, réunir les associés dans les 4 mois suivant l'approbation des comptes ayant fait apparaître les pertes, afin qu'ils décident s'il y a lieu ou non de procéder à la dissolution anticipée de la société et, en cas de non dissolution, la société a toujours 2 ans pour remédier à sa situation.
Mais ce qui change par contre, c'est que, si au terme des deux ans les capitaux propres n'ont pas été reconstitués au moins à hauteur de la moitié du capital, la possibilité pour tout intéressé de demander la dissolution de la société en justice est supprimée et remplacée par l'obligation pour les associés d'apurer les pertes par une réduction du capital social jusqu'à un certain minimum.
Si cette réduction est faite, alors il n'y aura plus de sanction de dissolution, malgré le fait que les capitaux propres ne soient pas égaux ou supérieurs à la moitié du capital social.
Il ne s'agit donc plus d'une dissolution forcée de la société, mais d'une réduction forcée de son capital.
La question reste toutefois de savoir quel sera ce capital minimum (en particulier pour les sociétés qui en ont un tout petit).
Il ne peut s'agir du minimum légal puisque dans les SARL et les SAS, ce minimum n'existe pas et un capital égal à zéro équivaudrait à une exclusion de l'ensemble des associés.
Il faudra malheureusement patienter un peu pour en savoir plus à ce sujet puisque, "afin de travailler plus finement à la détermination de différents seuils selon la taille de la société", la loi renvoie à un futur décret la fixation de ce capital minimum.
A suivre...