Amortissement du fonds de commerce, pacte Dutreil : deux modifications "anti-abus"

  • Article publié le 27 juil. 2022

Attention : ces deux dispositifs anti-abus vont avoir un effet rétroactif. Le projet de loi prévoit en effet qu'ils vont entrer en vigueur dès le 18 juillet 2022 et même pour certains pactes Dutreil déjà en cours avant cette date.

Amortissement du fonds de commerce

Dans le cadre de la mise en oeuvre du plan en faveur des indépendants, la loi de finances pour 2022 a prévu, à titre temporaire, la possibilité d’admettre en déduction du résultat imposable l’amortissement des fonds commerciaux et assimilés acquis à compter du 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025 (voir notre article à ce sujet).

Ce dispositif temporaire a pour but de soutenir la reprise et la continuité de l’activité économique, dans le contexte de sortie de crise liée à l’épidémie de Covid-19, et d’encourager le rachat de fonds commerciaux, en réduisant le coût lié à la reprise d’une entreprise pour tout investisseur.

Son objectif est de soutenir le cessionnaire, via l’économie d’impôt directement liée à la déduction fiscale de l’amortissement pratiquée en comptabilité.

Toutefois, à peine entrée en vigueur ce dispositif fait déjà l'objet d'unre première restriction. Un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2022, qui vient d'être adopté en première lecture par les députés, prévoit en effet l’ajout d’une "clause anti-abus" excluant du champ du dispositif les fonds commerciaux acquis auprès d’une entreprise liée et contrôlée, ou auprès d’une entreprise placée sous le contrôle de la même personne physique que l’entreprise qui acquiert le fonds.

Cette mesure vise notamment à exclure les opérations entre entreprises ayant un lien de dépendance (cessions à titre onéreux, fusions, etc.), ainsi que les situations dans lesquelles une personne physique apporte son entreprise individuelle, ou une branche complète d’activité, à une société qu’elle contrôle ou est amenée à contrôler à la suite de l’opération d’apport.

Par ailleurs, le même amendement clarifie les modalités d’application combinée du régime spécial des fusions et de ce dispositif temporaire d’amortissement fiscal des fonds commerciaux.

En effet, le régime spécial des fusions prévoit un traitement différent de la plus-value d’apport selon le caractère, amortissable ou non, de l’actif reçu dans le cadre de la fusion. En conséquence, le présent amendement précise qu’un fonds commercial qui donne lieu à un amortissement déduit du résultat imposable doit être regardé, pour l’application du régime spécial des fusions, comme un actif amortissable. Dès lors, lorsque la société absorbante choisit, toutes conditions étant par ailleurs remplies, d’amortir le fonds qu’elle a reçu entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025, elle est tenue d’appliquer le régime d’étalement de l’imposition de la plus-value dégagée lors de l’apport de ce fonds, en application des règles de droit commun du régime spécial des fusions.

Selon les députés auteurs de l'amendement, cette clarification permettrait d’éviter des situations abusives dans lesquelles une entreprise pourrait déduire des amortissements sur un actif reçu dans le cadre d’une fusion alors que la plus-value d’apport ne serait pas intégrée à son résultat imposable.

Si elle est également adoptée en l'état par le Sénat, cette nouvelle disposition s'appliquera aux acquisitions de fonds commerciaux intervenues à compter du 18 juillet 2022.

Pacte Dutreil

Le Pacte Dutreil Transmission est un dispositif fiscal qui permet de bénéficier d'une réduction importante des droits de mutation dus en cas de transmission de ses parts sociales par voie de donation entre vifs ou en cas de décès.

NB : pour plus d'infos sur ce dispositif, voir notre dossier en ligne : « Transmettre sa société à moindre coût...pensez au Pacte Dutreil ! ».

Bien entendu, le bénéfice de cet avantage est subordonné au respect de plusieurs conditions, parmi lesquelles figure notamment pour la société dont les parts sont cédées, l'obligation d'exercer une activité opérationnelle, non seulement à la date de conclusion du pacte (date de la cession) mais également jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation.

Cependant, cette condition n'étant pas fixée par la loi mais uniquement par l'Administration fiscale, la Cour de cassation a jugé, par une décision du 25 mai dernier (Cass. com. n° 19-25.513) que, faute d'une précision expresse contraire dans la loi, la condition d’exercice d’une activité éligible par la société cible devait s’apprécier à la seule date du fait générateur de l’imposition, et non pendant toute la durée des engagements de conservation.

Or selon le législateur, cet arrêt remet en cause la raison d’être du dispositif « Dutreil », qui est d’assurer, dans le contexte d'une transmission, la pérennité des seules entreprises exerçant une activité économique opérationnelle. C’est en effet pour ce motif d’intérêt général que la loi accorde aux héritiers une réduction de 75 % sur les droits de succession ou de donation applicables.

C'est la raison pour laquelle, un amendement au tout récent projet de loi de finances rectificative pour 2022, précise désormais expressément que la condition d’exercice par la société d’une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, doit être satisfaite à compter de la conclusion de l’engagement de conservation (conclusion du Pacte Dutreil) et jusqu’au terme de cet engagement.

Là encore, si elle est adoptée en l'état par le Sénat, cette nouvelle disposition s'appliquera aux transmissions intervenant à compter du 18 juillet 2022, mais aussi à celles pour lesquelles les deux conditions suivantes sont cumulativement remplies :

  • un engagement de conservation est déjà en cours ;
  • et la société concernée n’a pas cessé d’exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Source : projet de loi de finances rectificative pour 2022, version adoptée le 26 juillet 2022.