39 questions-réponses pour gérer le fait religieux dans votre entreprise (nouvelle édition)

  • Article publié le 14 févr. 2017

Après une première version en novembre dernier, le ministère du travail vient de publier son nouveau guide pratique du fait religieux dans les entreprises privées. 39 questions-réponses pour gérer de façon concrète les problèmes qui peuvent se rencontrer.

L'offre d'emploi et l'entretien d'embauche

1 - Puis-je mentionner l’appartenance ou la non appartenance à une religion dans une offre d’emploi ?

Réponse : non, subordonner un recrutement à l’appartenance ou la non appartenance à une religion constitue une discrimination, qui est interdite.

2 - Puis-je mentionner des critères ayant pour objet d’exclure des candidat(e)s pratiquant certaines religions ?

Réponse :  non. Les critères figurant dans l’offre d’emploi ne peuvent avoir pour objectif d’exclure des candidat(e)s en raison de leur pratique religieuse. Seules les exigences professionnelles liées à la nature du poste peuvent y figurer. A défaut, il s’agit d’une discrimination, qui est interdite.

3 - Lors d’un entretien d’embauche, puis-je demander sa religion au candidat ou à la candidate ? S’il ou elle est pratiquant(e) ?

Réponse : non, seules des informations permettant d’apprécier la capacité du/de la candidat(e) à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles peuvent être demandées dans le cadre de l’entretien. La religion et sa pratique n’a pas à être abordée.

4 - Puis-je demander à un(e) candidat(e) si sa pratique religieuse fait obstacle à sa présence à certains moments de la semaine ou de l’année ou à l’exécution de certaines tâches ?

Réponse : non. Vous pouvez vous assurer que le/la candidat(e) répond bien aux exigences inhérentes au poste et donc s’il/elle peut être présent(e). Vous n’avez pas à aborder la question des contraintes liées à l’exécution des tâches sous l’angle de la religion. A ce titre, vous n’avez pas à prendre en considération les motifs pour lesquels le/la candidat(e) ne répondrait pas à ces exigences.

Exemple : le poste proposé exige une présence le vendredi soir jusqu’à 20h. Vous n’avez pas à demander à un(e) candidat(e) s’il/elle est de religion juive et si la pratique de Chabbat remettrait en cause sa capacité à occuper le poste. Vous pouvez cependant lui communiquer lors de l’entretien les horaires applicables dans la structure et lui faire confirmer qu’ils lui conviennent.

5 - Un(e) candidat(e) a mentionné ses convictions religieuses dans sa candidature. Puis-je lui refuser un entretien d’embauche ?

Réponse : le/la candidat(e) n’a pas l’obligation de les mentionner. Si il/elle le fait, cela ne saurait justifier le rejet de sa candidature. Vous ne pouvez refuser de le/la recevoir pour ce seul motif.

6 - Puis-je privilégier le recrutement d’un(e) candidat(e) d’une confession particulière qui   correspond à celle de la clientèle principale de mon établissement ?

Réponse : non, la composition de votre clientèle ne peut pas justifier le recrutement d’un(e) candidat(e) en fonction de sa religion. Cette pratique est considérée comme discriminatoire.

7 - Puis-je choisir ou rejeter un(e) candidat(e) en fonction de sa religion ?

Réponse : non, le choix d’un(e) candidat(e) en fonction de sa religion est discriminatoire.

L'exécution du travail

8 - En raison de ses convictions religieuses, un(e) salarié(e) refuse d’exécuter certaines tâches de son travail ou de travailler à certains moments. Puis-je le/la sanctionner ?

Réponse : oui, le refus du/de la salarié(e) d’exécuter une des tâches pour lesquelles il/elle a été embauché(e) est constitutif d’une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire.

Exemple : Recruté(e) comme boucher(e) et n’ayant fait valoir aucune objection lors de son recrutement, un salarié refuse d’être en contact avec la viande de porc. (Jurisprudence Cass. soc., 24 mars 1998, n° 95-44.738)

Mais attention toutefois, la tâche à effectuer ne doit pas conduire à la mise en danger du salarié. La Cour de Cassation a jugé qu’un salarié refusant de prendre en charge un projet devant se dérouler au Moyen-Orient, compte tenu des risques que, en raison de sa confession religieuse, la réalisation de ce projet ferait courir à sa sécurité ne peut être licencié dès lors que le risque est réel et qu’il en a informé son employeur (Cass. soc.,12 juill. 2010, n° 08-45.509).

9 - Invoquant un motif religieux, un salarié refuse d’obéir aux ordres de sa supérieure hiérarchique parce qu’elle est une femme. Puis-je le sanctionner ?

Réponse : oui, le refus du salarié d’exécuter une des tâches pour lesquelles il a été embauché est constitutif d’une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire, peu importe que le motif qu’il invoque ait un caractère religieux. Au surplus, il s’agit d’un agissement sexiste interdit par le code du travail.

10 - Puis-je sanctionner un(e) salarié(e) qui s’absente sans autorisation pour célébrer une fête religieuse ?

Réponse : oui, le/la salarié(e) qui s’absente sans autorisation, quel qu’en soit le motif, commet une faute. Attention toutefois à la proportionnalité de la sanction qui devra tenir compte du contexte,  notamment des conséquences de cette absence pour les autres salariés, ou les clients de l’entreprise, du caractère exceptionnel ou répété de ce type d’agissement.

Exemples : votre salarié(e) :

  • ne se présente pas le dimanche de Pâques pour assurer le service dans votre restaurant afin d’assister à l’office religieux
  • quitte l’entreprise plus tôt le vendredi soir pour fêter le Chabbat
  • ne vient pas travailler le jour de la fête de l’Aïd-el-Kebir alors que vous lui avez refusé l’autorisation de s’absenter.

11 – Puis-je contraindre un(e) salarié(e) à participer à un repas d’affaires alors qu’il ne le souhaite pas en raison de ses interdits alimentaires ?

Réponse : si la participation du/de la salarié (e) à ce repas d’affaire fait partie du travail pour lequel il/elle a été embauché(e), vous pouvez exiger sa présence. En revanche, vous ne pouvez pas exiger de lui qu’il consomme le repas.

Afin d’éviter une telle situation, inconfortable pour tous, si vous êtes l’organisateur de ce repas, vous pouvez vous assurer en amont, des éventuelles contraintes alimentaires des personnes présentes (clients aussi bien que salariés).

12 - Un(e) salarié(e) peut-il refuser une visite médicale obligatoire en raison de ses convictions religieuses ?

Réponse : non, le/la salarié(e) est tenu(e) de se soumettre à la visite médicale, qui est une obligation pour tous les salariés. Le refus du/de la salarié(e) de s’y conformer est constitutif d’une faute.

13 - Puis-je contraindre un(e) salarié(e) à rompre un jeûne motivé par des raisons religieuses, comme le ramadan, ou lui interdire de l’observer si j’estime que cela fait obstacle à la bonne exécution de son travail ?  Puis-je le sanctionner pour l’avoir observé ?

Réponse : non, vous ne pouvez pas l’y contraindre. Cette injonction constituerait une restriction à la liberté de religion de vos salariés. Vous ne pouvez pas le sanctionner pour l’avoir observé.

Toutefois, il y a lieu de prendre en compte les considérations suivantes :

  • le fait de jeûner n’est pas en soi un élément caractérisant une impossibilité d’accomplir les tâches relevant du contrat de travail ; celle-ci doit être déterminée de façon objective en prenant notamment en compte la nature du poste occupé ou les horaires de travail. Ainsi, la situation d’un grutier et celle d’un agent administratif ne s’apprécient pas de la même façon. Il en est de même pour le/la salarié(e) travaillant tôt le matin ou en horaires du soir.
  • vous êtes fondé à prendre en compte les conséquences du jeûne de nature à mettre en péril la sécurité du/de la salarié(e), de ses collègues ainsi que des tiers intéressés. En effet, vous devez prendre les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité.

Dans l’hypothèse où il est établi que le/la salarié(e) n’est pas en capacité d’exécuter son travail dans les conditions de sécurité requises, vous devez le/la retirer de son poste de travail. Ce retrait constitue une mesure de précaution et de préservation de la santé et de la sécurité du/de la salarié lui/elle-même et, le cas échéant, des collègues et des tiers. Pendant la période non travaillée vous pouvez maintenir la rémunération mais n’y êtes pas tenu. En outre, vous pouvez procéder à un changement d’affectation sans que cela constitue une sanction disciplinaire (Cass. ass. plén., 6 janv. 2012, n° 10-14.688).

Vous avez, par ailleurs, la faculté d’aménager les horaires de travail du/de la salarié(e) sous réserve que cela soit compatible avec l’organisation du travail et la bonne marche de l’entreprise. Dans tous les cas, les questions relatives à l’état de santé du salarié doivent être vues avec le médecin du travail Ce sujet peut aussi faire l’objet d’un dialogue avec le CHSCT.

Au-delà de vos obligations, notamment en matière de santé et de sécurité en tant qu’employeur, le/la salarié(e) est également tenu de prendre soin de sa santé et de sa sécurité, ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes.

14 – Suis-je tenu de prévoir une disposition imposant la neutralité religieuse des salariés dans le règlement intérieur de mon entreprise ?

Réponse : non. La neutralité religieuse qui s’impose aux agents publics, ne s’applique pas aux  salariés des entreprises privées qui ne gèrent pas un service public. Vous  pouvez, cependant, sous des conditions encadrées par la loi, introduire certaines restrictions  allant jusqu’à la neutralité dans le règlement intérieur.

15 - Puis-je  prévoir dans le règlement intérieur l’interdiction de porter des tenues ou symboles  religieux comme un voile islamique, une kippa ou un turban sikh ?

Réponse : Oui, mais à condition que cette restriction soit justifiée par des motifs suffisants et encadrés par la loi.

Ceux-ci peuvent par exemple tenir à la responsabilité de l’employeur de protéger la santé et la sécurité des salariés. Ces impératifs peuvent conduire à interdire le port de certaines tenues ou objets (couvre-chefs, bijoux, etc…).

Dans ce cas toutefois, vous devrez être vigilant sur la manière dont vous formulez cette restriction. Ce n’est pas en raison de son caractère religieux que cette tenue est alors prohibée mais en raison de sa conséquence en matière de sécurité, ou d’hygiène ou d’organisation du travail.

Exemples :

  • Le turban sikh ou le voile islamique et le port du casque de chantier ou d’une charlotte sont incompatibles. Il en est de même avec le port d’une simple casquette. Ce n’est donc pas le turban sikh ou le voile islamique qui sont interdits mais tout accessoire faisant obstacle au port du casque ou de la charlotte alors qu’il/elle est obligatoire.
  • Le port d’une chaîne avec une croix ou une étoile de David par du personnel infirmier peut présenter un risque pour la sécurité des patients. Il en est de même avec toute chaîne et pendentif de nature non religieuse. De la même façon que ci-dessus, ce n’est pas le symbole religieux qui sera interdit par le règlement intérieur mais le port du bijou, indépendamment de sa signification.
  • En outre, depuis la loi du 8 août 2016, le règlement intérieur peut contenir une clause de neutralité, notamment en matière d’expression des convictions religieuses, qui peut avoir des conséquences sur les règles vestimentaires (voir explications pages 6 et 7).
  • Lorsque les motifs de la restriction tiennent à l’image ou aux intérêts commerciaux de l’entreprise, la question fait encore débat. La jurisprudence n’est pas définitivement fixée sur ce point.

À savoir : S’agissant plus particulièrement des restrictions tenant à l’exigence de la clientèle, la Cour de Justice de l’Union Européenne a été saisie en avril dernier, par la Cour de Cassation, d’une question préjudicielle portant sur la légitimité pour une société prestataire de service informatique d’interdire, à la demande d’une entreprise cliente, qu’une de ses salariées s’y présente voilée. Par ailleurs, vous devrez veiller à appliquer les mêmes règles à toutes les religions.

Le comportement dans l'entreprise

16 - Dois-je/puis-je laisser les salarié(e)s de mon entreprise manifester leur religion ?

Réponse : les salariés de votre entreprise peuvent librement manifester leur religion. Cependant, les impératifs tenant à la santé, à la sécurité ou aux nécessités de la tâche à accomplir peuvent vous conduire à prendre des dispositions ayant pour effet de limiter cette liberté.

Par ailleurs, la loi sur le travail du 8 août 2016 donne la possibilité d’instaurer, dans le règlement intérieur, certaines restrictions à la liberté religieuse pouvant aller jusqu’à la neutralité si cela se justifie par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise. Les restrictions ne doivent dans ce cas pas être excessives au regard du but poursuivi et doivent prendre en compte de la nature des tâches à accomplir.

Enfin, il est préférable que ce type de clause soit mis en place à l’issue d’une concertation dans l’entreprise. Dans les deux cas, ces restrictions doivent être justifiées par les motifs définis par la loi du 8 août 2016 ou par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

En tout état de cause, la liberté de manifester sa religion trouve une limite dans le prosélytisme entendu comme le zèle ardent pour recruter des adeptes, pour tenter d’imposer ses convictions, notamment religieuses.

17 - Dois-je/puis-je interdire à mes salariés de manifester leur religion dans mon entreprise ?

Réponse : les salariés de votre entreprise peuvent librement manifester leur religion. Cependant, les impératifs tenant à la santé, à la sécurité ou aux nécessités de la tâche à accomplir peuvent vous conduire à prendre des dispositions ayant pour effet de limiter cette liberté.

Par ailleurs, la loi sur le travail du 8 août 2016 donne la possibilité d’instaurer, dans le règlement intérieur, certaines restrictions à la liberté religieuse pouvant aller jusqu’à la neutralité si cela se justifie par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise. Les restrictions ne doivent dans ce cas pas être excessives au regard du but poursuivi et doit prendre en compte de la nature des tâches à accomplir.

Enfin, il est préférable que l’insertion de ce type de clause dans le règlement intérieur soit précédée d’un échange dans l’entreprise. Dans les deux cas, ces restrictions doivent être justifiées par les motifs définis par la loi du 8 aout 2016 ou par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

En tout état de cause, la liberté de manifester sa religion trouve une limite dans le prosélytisme entendu comme le zèle ardent pour recruter des adeptes, pour tenter d’imposer ses convictions, notamment, religieuses.

18 - Puis-je interdire à mes salariés d’installer des objets religieux dans leur espace de travail, comme par exemple une ménorah sur le bureau ou un crucifix accroché au mur ?

Réponse :  Les  salariés  peuvent  être  autorisés  à  disposer  des  objets  personnels, y compris religieux, dans leur espace de travail sous réserve que cela ne cause pas un trouble objectif dans l’entreprise. Ainsi la réponse  pourra  varier  selon  que  le salarié dispose d’un bureau seul ou non ou travaille ou non dans un espace où il reçoit de la clientèle.

Si vous souhaitez inscrire le principe neutralité dans le règlement intérieur de votre entreprise, la loi travail du 8 aout 2016, précise les conditions de mise en œuvre d’une telle disposition (cf. question 15).

19 - Puis-je interdire de parler de religion dans l’entreprise ?

Réponse : non. De façon générale, vous ne pouvez pas interdire à vos salariés toute conversation personnelle quel qu’en soit le thème. Il en est ainsi des discussions relatives à la religion, sauf si la nature, les modalités et les circonstances de ces échanges provoquent un trouble objectif dans l’entreprise ou constituent une faute. Est ainsi de nature à constituer un trouble objectif le comportement d’un salarié qui, au nom de ses convictions religieuses, adresse de manière répétée et insistante des remarques à ses collègues de travail sur leur comportement, leur tenue, leur vie personnelle, cette attitude créant et nourrissant un climat de tensions au sein de la communauté de travail. (Jurisprudence : CE 25 janvier 1989 N° 64296 (S.I.T.A.)) (cf. aussi question 20 relative au prosélytisme).

20 – Un(e) salarié(e) fait du prosélytisme. Puis-je lui interdire ? Le sanctionner ?

Réponse : Le prosélytisme, entendu comme le zèle ardent pour recruter des adeptes, pour tenter d’imposer ses convictions, notamment, religieuses à d’autres salariés, est interdit dans l’entreprise. Il constitue un abus de la liberté d’expression dont jouit le salarié. Il peut donc être constitutif d’une faute pouvant justifier une sanction disciplinaire.

Exemple : Ont été reconnus comme constituant des faits de prosélytisme :

  • Un animateur d’un camp de centre de loisirs qui procède à la lecture de la Bible et distribue des prospectus en faveur des témoins de Jéhovah aux enfants (CPH Toulouse, 9 juin 1997) ;
  • Un salarié manutentionnaire-livreur qui ponctue son activité professionnelle d’invocations et de chants religieux (Cour d’appel de Basse-Terre n° 06/00095 du 6 novembre 2006).

21 – Dois-je ou puis-je filtrer l’accès internet de l’entreprise pour empêcher mes salariés de consulter des sites en lien avec la religion ?

Réponse : la connexion internet mise à la disposition des salariés est un outil de travail. Vous pouvez donc filtrer l’accès aux sites internet qui n’ont pas de finalité professionnelle. Cependant la loi ne vous y oblige pas.

22 - Puis-je  organiser un moment de partage dans l’entreprise pour fêter Noël ou l’Aïd El Kebir ?

Réponse : Rien ne l’interdit. Cependant, cet événement ne doit pas exclure certains salariés. Tous doivent y être conviés, chacun doit pouvoir y participer s’il le souhaite, sans discrimination.

23 - Puis-je  exiger  des  salariés  leur  participation  à  une  manifestation religieuse que j’organise dans mon entreprise? Par exemple, puis-je imposer à tous les salariés d’être présents lors de la fête de Noël que j’organise ?

Réponse : non, vous ne pouvez pas exiger qu’ils y participent.

Contraindre un(e) salarié(e) à participer à une telle manifestation constitue une atteinte injustifiée à sa liberté personnelle. Cependant, cette participation doit être distinguée de la présence à cette manifestation qui peut être requise au regard des tâches confiées au/à la salarié(e), par exemple si sa mission consiste à y assurer la sécurité.

24 – Un ou plusieurs salariés de la même religion demandent à organiser une fête religieuse au sein de l’entreprise, comme par exemple l'installation d'une crèche à l'occasion des fêtes de Noël. Dois-je ou puis-je refuser ?

Réponse : la loi ne vous impose ni de donner une suite favorable à une telle demande ni de la refuser. Il s’agit d’un événement extra-professionnel au même titre qu’une autre fête d’entreprise.

Dans le cadre de votre pouvoir de direction il vous appartient de déterminer la réponse à apporter. Le climat social, le souci d’équilibre entre les demandes de nature confessionnelle constituent des éléments essentiels à votre prise de décision.

Par ailleurs, vous devrez traiter toutes les demandes de ce type selon les mêmes critères.

25 – Un(e) salariée adopte une attitude différente envers ses collègues en invoquant ses convictions religieuses. Dès lors que cela ne concerne pas l’exécution directe du contrat de travail, dois-je ou puis-je le tolérer ? Puis-je sanctionner le salarié ?

Exemple :  A la machine à café, un(e) salarié(e) refuse de saluer, de communiquer ou de s’adresser à une personne de sexe différent, ou à des salariés d’une autre religion.

Réponse : Votre rôle est de veiller à ce que votre entreprise ne soit pas un lieu de discrimination ou d’atteinte à la liberté d’autrui. Aussi, si on ne peut imposer en soi une forme de salut, en revanche peut être sanctionnée toute attitude ayant un objet ou pour effet d’ignorer une personne ou de lui manifester une forme de mépris en raison de son sexe, de sa religion, de ses convictions ou de ses origines.

Dans le cadre de votre pouvoir de direction, vous pouvez donc être amené :

- à mettre en place des mesures de prévention au titre de la lutte contre le sexisme ;

- à rappeler, notamment dans votre règlement intérieur, l’obligation de se comporter de manière respectueuse envers tous et sans faire de différence de traitement en fonction du sexe ou de la religion. Le non-respect de cette clause pourra entraîner une sanction qui devra être proportionnée.

Enfin il peut arriver que le comportement du/de la salarié(e), sans être fautif (c’est à dire sans que la volonté discriminatoire puisse être démontrée), perturbe de façon significative le bon fonctionnement de l’entreprise.

Dans ce cas le licenciement pour trouble objectif peut être envisagé. Il s’agit toutefois d’un type de licenciement très particulier (cf définition du trouble objectif). Non fautif, il doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui permettent d’établir de façon non équivoque que la relation de travail ne peut pas être maintenue.

26 – Dois-je/Puis-je interdire à un(e) salarié(e) de prier pendant le temps de travail ?

Réponse : Pendant les heures de travail, le/la salarié(e) est tenu(e) d’exécuter le travail pour lequel il/elle a été embauché(e). Vous pouvez donc exiger de lui/d’elle qu’elle s’y consacre pleinement.

27 – Dois-je/Puis-je interdire à un(e) salarié(e) de prier sur son lieu de travail ?

Réponse : Il convient de distinguer selon qu’il s’agit du lieu de travail ou du temps de travail.
Un(e) salarié(e) peut prier, pendant son temps de pause, dans son bureau si cela ne perturbe pas l’organisation du travail. En revanche, s’il le fait sur son temps de travail ou que cela gêne l’exécution du travail des autres salariés, une interdiction est justifiée. (cf. aussi question 27)

L'organisation du temps de travail

28 - Un(e) salarié(e) doit-il faire connaître le motif religieux de sa demande de congé? S’il ou elle précise que ce motif est de nature religieuse, suis-je tenu de lui accorder ?

Réponse : non. Un(e) salarié(e) n’est pas tenu de justifier du motif religieux de sa demande. S’il ou elle le fait, vous n’êtes pour autant pas tenu de lui accorder le congé.

Cependant, la  réponse que vous apporterez à cette demande doit être fondée sur des raisons objectives étrangères à toute discrimination. C’est au regard de l’organisation du travail et des nécessités de service et non en raison du motif religieux de la demande que vous devez prendre votre décision.

La  question à se poser est la suivante : l’absence du salarié entrave-t-elle la marche de l’entreprise ? La question que vous ne devez pas vous poser : le salarié est-il pratiquant ? le jour de congé correspond-il bien à une fête religieuse ?

29 – Un(e) salarié(e) souhaite remplacer les jours chômés dans l’entreprise par les jours de fêtes correspondant à sa religion. Par exemple : un(e) salarié(e) souhaite travailler le 25 décembre en échange de son absence le 7 janvier (noël orthodoxe). Suis-je tenu de lui accorder ?

Réponse : non. Si l’entreprise est fermée le 25 décembre vous pouvez refuser de faire droit à cette demande. Vous pouvez demander au salarié de prendre un jour de congé ou accorder une autorisation exceptionnelle d’absence pour fête religieuse. Vous devez veiller à ne pas prendre une décision différente en fonction de la religion du demandeur, qui serait considérée comme discriminatoire. Seules les contraintes liées au bon fonctionnement de l’entreprise doivent être prises en considération.

30 - Deux salarié(e)s font des demandes de congé concomitantes. Suis-je tenu d’accorder le congé en priorité au/à la salarié(e) qui le justifie par un motif religieux ?

Réponse : non. Vous n’avez pas à vous interroger sur le motif de la demande de votre salarié(e) et il/elle n’a pas l’obligation de vous en informer. Si il ou elle le fait néanmoins, et si les nécessités de  service exigent que l’un(e) des deux salariés soit présent, votre décision devra être fondée sur un  motif objectif non lié à la religion. Par exemple, vous pouvez donner priorité au premier des deux qui en a fait la demande ou à celui des deux à qui a été refusée une demande de congé précédente.

31 - J’ai accordé un congé à un(e) salarié(e) qui le motivait par une obligation religieuse. Un(e) autre salarié(e) me demande également un congé pour motif religieux. Suis-je tenu de le lui accorder ?

Réponse : non. Un(e) salarié(e) n’a pas l’obligation de vous informer du motif de sa demande de congé.  Si il ou elle le fait néanmoins le bon fonctionnement de l’entreprise peut justifier un refus.  La seule circonstance que le salarié, qui invoquait un motif religieux, ait obtenu ce congé ne vous impose pas de faire droit à la nouvelle demande dont vous êtes saisi.

Dans tous les cas, vous ne devez pas fonder votre décision, qu’elle soit favorable ou non, sur le motif tiré de la religion du demandeur. Une telle attitude serait discriminatoire.

32 – Puis-je ou dois-je adapter les horaires de travail dans mon entreprise en fonction de pratiques religieuses ? Par exemple , puis-je décider de ne pas faire travailler mes salariés le vendredi soir du fait du Chabbat ?

Réponse : l’organisation du temps de travail relève du pouvoir de direction de l’employeur. Il vous appartient de définir les horaires adaptés à la bonne marche de l’entreprise. Vous pouvez aménager les horaires en fonction des contraintes de vos salariés. Mais la loi ne vous y oblige pas.

La vie collective

33 - Plusieurs salariés demandent la mise à disposition d’une salle pour pouvoir prier. Suis-je tenu de leur accorder ?

Réponse : non, vous n’êtes pas tenu d’accéder à cette demande. Pour autant, rien ne vous interdit d’y faire droit.

34 - Un(e) ou plusieurs salariés occupent sans autorisation une salle de réunion pour prier. Puis-je leur interdire ?

Réponse : oui. Les salles de réunion constituent un espace dédié au travail. Si le/la salarié(e) occupe cette salle sans autorisation, quel qu’en soit le motif, vous êtes fondé à lui demander de quitter la pièce.

35 - J’ai mis une salle de prière à la disposition de salariés d’une même confession. Un groupe de salariés d’une autre religion me demande également la mise à disposition d’une salle. Suis-je tenu(e) de la lui accorder ?

Réponse : si vous avez accordé un avantage aux salariés d’une religion, vous prenez le risque que le refus opposé à d’autres soit considéré comme discriminatoire. Si vous avez mis à disposition une  salle pour la prière, vous pouvez par exemple instaurer des horaires d’accès pour chaque religion.

36 - Lorsque je mets un restaurant d’entreprise à disposition de mes salariés, suis-je tenu de répondre positivement aux demandes de repas spécifiques motivées par des raisons religieuses ?

Réponse : non, dans le cadre de la restauration collective, vous n’avez pas l’obligation de prendre en compte les interdits alimentaires de certains salariés. Cependant, une offre alimentaire variée pourra satisfaire une majorité de salariés que leurs choix soient liés à la religion ou non (voir également question n° 11).

37 - Puis-je  refuser l’accès à certains équipements de mon entreprise pour des motifs religieux, comme par exemple interdire de placer de la nourriture non casher dans le réfrigérateur mis à disposition des salariés ?

Réponse : non, vous ne pouvez pas interdire l’accès aux équipements collectifs à certains salariés pour des motifs religieux. Une telle interdiction serait discriminatoire.

38 – Le comité d’entreprise peut-il financer des projets à portée confessionnelle, comme par exemple un pèlerinage à Lourdes ?

Réponse :  rien ne l’interdit. Cependant, le comité d’entreprise est également soumis au principe de  non-discrimination. Il doit donc veiller à équilibrer les prestations proposées afin que tous les salariés puissent y avoir un égal accès quelle que soit leur religion et que les projets financés  puissent satisfaire le plus grand nombre de salariés de l’entreprise.

39 - Puis-je collecter des informations relatives à la religion de mes salariés ? Mentionner ces informations dans les outils de gestion ou d’évaluation des personnels ? Puis-je demander la religion de mes salariés dans le cadre de l’élaboration d’un baromètre social de l’entreprise ?

Réponse : non, les informations personnelles relatives aux salariés ne peuvent être collectées que si elles sont nécessaires et pertinentes. Elles ne peuvent avoir pour finalité que d’apprécier leurs aptitudes professionnelles et doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’évaluation de celles-ci. La religion des salariés n’est une information ni pertinente ni nécessaire. Dès lors, elle ne peut ni être demandée ni être consignée. Une décision de gestion fondée sur un motif religieux est considérée comme discriminatoire.

Le raisonnement que vous ne devez pas tenir : connaître la religion de chacun de mes salariés me permet d’anticiper les absences liées aux fêtes religieuses.

Le raisonnement que vous devez tenir : afin d’anticiper les absences, je demande à tous mes salariés leur prévisions de congés pour les jours/semaines/mois à venir.

Source : Ministère du travail, Guide pratique du fait religieux dans les entreprises privées. Edition du 7 février 2017.