Une modification des statuts décidée irrégulièrement n'est pas nulle pour autant

  • Article publié le 10 juil. 2012

En principe, une modification des statuts ne peut être décidée qu'à une majorité renforcée (deux tiers des parts ou plus si les statuts l'exigent). Pourtant, un associé qui s'estimait lésé par des modifications adoptées à seulement 51 % des parts vient de perdre son procès.

L'affaire

Nous sommes dans une Sarl entre deux associés. L'un possède 49 % des parts, l'autre 51 %. Celui-ci, alors que la société réalise des pertes, décide compte tenu de sa position majoritaire de poursuivre l'activité tout en opérant un « coup d'accordéon », c'est-à-dire en amortissant ces pertes par la réduction du capital social à zéro, grâce à l'annulation des 40.000 parts sociales existantes.

Considérant que ces premières décisions sont irrégulières dès lors qu'elles n'ont pas été prises à la majorité des trois quarts du capital comme le prévoyaient les statuts de la société, l'associé minoritaire refuse de souscrire à la recapitalisation de la société, et le majoritaire continue donc seul, la société devenant de fait une EURL.

Evincé, l'associé minoritaire décide de faire procéder par voie de justice à l'annulation des décisions prises par l'autre associé.

Les juges

Jusqu'en appel, pas de problème, les juges lui donnent entièrement raison. Les modifications décidées à 51 % des parts seulement alors que les statuts exigeaient qu'elles le fussent à 75 % sont totalement irrégulières et doivent être annulées.

Mais, les juges de la Cour de cassation ne sont pas de cet avis.

Ils rappellent en effet que, selon l'article L.235-1 du Code de commerce, la nullité d'un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d'une disposition expresse du Code de commerce ou des lois qui régissent la nullité des contrats.

Or, aucun texte ne sanctionne par la nullité l'inobservation des dispositions statutaires relatives à la majorité applicable aux décisions modifiant les statuts.

En conséquence, et bien qu'elles soient prises irrégulièrement, ces décisions ne peuvent pas être annulées.

La Cour va même jusqu'à condamner l'associé minoritaire aux dépens, ainsi qu'au versement à son ex-associé d'une somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile (frais non compris dans les dépens).

Notons toutefois que si l'associé majoritaire avait été le Gérant de la société, ce qui n'était pas le cas ici, sa responsabilité aurait pu être mise en cause pour violation des statuts.

Source : Cour de cassation, chambre commerciale, audience publique du 30 mai 2012, pourvoi n° 11-16272.