Ancien gérant de fait, le liquidateur lui réclame un million d'euros alors qu'il a démissionné depuis 6 ans

  • Article publié le 9 avr. 2018

On le sait, que l'on soit Gérant de droit ou gérant de fait, on peut être condamné au paiement du passif de sa société en cas de faute(s) de gestion. Mais qu'en est-il lorsque la société est déclarée en faillite bien après que l'on ait démissionné ? Voici la réponse de la Cour de cassation...

L'affaire

En 2011, une SARL est mise en liquidation judiciaire. Cette société comprend deux associés à 50/50, dont l'un est Gérant de droit, mais elle est surtout dirigée par l'autre, qui est donc gérant de fait.

Considérant que l'insuffisance d'actif de cette société a pour origine des fautes de gestion commises six ans plus tôt par ce Gérant de fait, le liquidateur l'assigne en justice au  fins de paiement de la somme de 1.050.910,79 euros correspondant au passif de la liquidation de la société, alors même qu'il était démontré qu'il avait totalement cessé de s'immiscer dans la gestion de la société depuis déjà près de six ans.

Les tribunaux

La Cour d'appel relève effectivement un certain nombre de faits qui constituent des fautes de gestion à ses yeux :

  • aucun bilan n'a jamais été établi, discuté et approuvé lors d'une assemblée générale, ce qui, selon les juges, a privé les Gérants d'un outil fiable leur permettant d'apprécier la pertinence des actions menées et le cas échéant de modifier la manière dont ils géraient l'entreprise ;

  • d'une manière générale un manque de rigueur dans le suivi de l'entreprise ;

  • l'absence de prise de décision pour pallier les conséquences de la démission du Gérant de fait six ans plus tôt, alors que l'un et l'autre savaient que la société n'allait plus être administrée et que sa situation financière était déjà préoccupante à l'époque, notamment par suite d'un manque de trésorerie de plus de 45.000 €.

En conséquence, et considérant l'article L. 651-2 du code de commerce, lequel dispose que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à celle-ci, décider que son montant sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion, la Cour d'appel condamne le Gérant de fait au paiement de la somme de 1 million d'euros.

La Cour de cassation

La cour de cassation au contraire casse et annule ce jugement.

Selon elle, quels que soient les faits qui pouvaient être reprochés au Gérant de fait, la seule chose qu'il fallait regarder, c'est si l'insuffisance d'actif existait au moment où il avait cessé de s'occuper de la société.

Or, tel n'était pas le cas. Certes la société était déjà en difficultés lors de sa démission, mais un simple manque de trésorerie n'équivaut pas à lui seul à une insuffisance d'actif.

Source : Cour de cassation, chambre commerciale, audience publique du mercredi  24 janvier 2018. N° de pourvoi : 15-26810 16-17803, non publié au bulletin