Jurisprudence : ne pas confondre "société en formation" et "société en cours d'immatriculation" !

  • Article publié le 4 avr. 2022

Vous ne voyez pas la différence ? Les juges si ! Et cela peut avoir une grande importance, en particulier si vous vous êtes porté(e) caution pour votre société. Démonstration par l'exemple...

L'affaire

Afin de lui permettre d'acquérir un fonds de commerce, une EURL bénéficie de deux prêts bancaires, pour lesquels l'associée unique et son époux se sont rendus caution solidaire.

La société ayant ensuite été mise en liquidation judiciaire, et son associée unique en redressement judiciaire, la banque se retourne alors contre l'époux de cette dernière, et lui réclame le paiement des sommes restant dues au titre de ces prêts en sa qualité de caution solidaire.

Mais celui-ci refuse de payer, estimant que le contrat de prêt était nul dès le départ, au motif qu'il avait été établi, non pas au nom d'une société en formation, mais par une société qui n'existait pas encore.

Vous trouvez qu'il joue sur les mots ?

Voici ce qu'en pensent les juges...

Les juges

Dans un premier temps, la cour d’appel le condamne au paiement, jugeant que son épouse avait à l’évidence agi au nom et pour le compte de la société en formation et que cette société avait, postérieurement à son immatriculation, signé un avenant emportant reprise du contrat de prêt initial, de sorte que la nullité de ce contrat devait être écartée.

Mais la cour de cassation censure ce jugement.

Selon elle en effet, dès lors que les prêts avaient été conclus, non pas au nom et pour le compte d'une société en cours de formation mais par la société elle-même, avant son immatriculation, il en résultait que les contrats correspondant étaient nuls pour avoir été conclus directement par une société dépourvue de personnalité juridique.

Selon l'article 1842 du code civil en effet, les sociétés ne jouissent de la personnalité morale qu'à compter de leur immatriculation. Une société non encore immatriculée ne peut donc pas contracter personnellement.

Notons en outre que la cour ne tient même pas compte de la reprise ultérieure du contrat par la société. Dès lors que le contrat est entaché de nullité au départ, celle-ci est absolue et irréversible.

Il n'est pas certain que les nombreux créateurs de sociétés qui concluent des contrats avant l'existence de celles-ci soupçonnent l'importance de cette fameuse mention indiquant qu’ils agissent « au nom et pour le compte de leur société en formation ».

Source : Cour de cassation, Chambre commerciale, pourvoi n° 20-13.71 du  janvier 2022, inédit.