Abandon de poste d'un salarié : la nouvelle procédure à la disposition des employeurs

  • Article publié le 21 avr. 2023

Désormais, un salarié qui abandonne  son poste sans motif légitime peut être considéré comme démissionnaire. Toutefois, l'employeur doit veiller à respecter certaines conditions s'il ne veut pas que cela se retourne contre lui...

Abandon de poste d'un salarié : la nouvelle procédure

Jusqu'ici, le Code du travail n'envisageait pas l'abandon de poste. La loi était totalement muette à son sujet.

La seule chose dont on était sûr, c'est que l'abandon de poste ne constituait pas une démission. Celle-ci n’a de réalité en effet que lorsque le salarié a manifesté de façon claire et non équivoque sa volonté de rompre son contrat de travail. Or cette manifestation peut résulter de l’envoi d’une lettre de démission ou d’une déclaration verbale, mais non d’un simple abandon de poste.

Tout au plus donc, dans la mesure où, de fait, il s'agit d'une non exécution du contrat de travail par le salarié, l'abandon de poste pouvait jusqu'ici constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, ce qui permettait au salarié de bénéficier du chômage (quand il ne contestait pas son licenciement pour bénéficier en plus de dommages-intérêts).

C'est donc pour remédier à ce vide juridique que la loi relative au fonctionnement du marché du travail du 22 décembre dernier a introduit un nouvel article dans le code du travail, l'article L.1237-1, selon lequel un salarié qui abandonne son poste sans motif légitime peut être présumé démissionnaire.

Cependant, précisons que le recours à ce nouveau dispositif par l'employeur n'est pas obligatoire. Celui-ci peut toujours, comme auparavant, décider de ne rien faire, et donc de conserver le salarié dans ses effectifs, sans le rémunérer. Dans ce cas, son contrat de travail n’est pas rompu mais seulement suspendu.

Il peut aussi décider de le licencier pour faute (voir notre fiche pratique à ce sujet).

Mais a contrario, si l’employeur décide d'utiliser ce nouveau dispositif de la présomption de démission, il n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute.

De plus, la mise en oeuvre de ce dispositif, ainsi que les droits du salarié qui en fait les frais, sont bien entendu précisément encadrés :

Mise en demeure préalable

Selon le décret, l'employeur qui, à la suite de l'abandon de poste de son salarié, entend faire valoir la présomption de démission, doit lui adresser une mise en demeure dans laquelle il doit lui demander les raisons de son absence (afin de lui permettre de la justifier le cas échéant) et de reprendre son poste, tout en lui laissant à cet effet un délai qui ne peut être inférieur à 15 jours calendaires (c’est-à-dire week-end et jours fériés compris).

Il doit également rappeler dans cette lettre que, passé ce délai, faute pour le salarié d’avoir repris son poste, il sera présumé démissionnaire.

NB : il peut aussi rappeler, mais ce n'est pas obligatoire, que s'il est considéré comme démissionnaire, il n’aura pas droit aux allocations de l’assurance chômage.

Si elle est envoyée par la poste, cette mise en demeure doit obligatoirement être adressée au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception. Toutefois, si cela est encore possible, elle peut aussi lui être remise en main propre contre décharge.

Le délai de réponse accordé au salarié dans la mise en demeure (minimum 15 jours) commence alors à courir à compter de la date de présentation par la poste de la lettre recommandée, ou à compter de la date de remise en main propre le cas échéant.

NB : si le salarié refuse la lettre recommandée, ou ne va pas la chercher à la Poste, cette lettre est quand même considérée comme étant notifiée régulièrement dès lors qu’elle a bien été présentée au domicile du salarié. Il en va de même si le salarié, par négligence, n’a pas fourni à son employeur la bonne adresse de son domicile.

Absence de réponse du salarié

Si le salarié ne répond pas à la mise en demeure et ne reprend pas le travail au plus tard à la date fixée par l’employeur, il sera présumé démissionnaire à partir de la date ultime du délai qui lui a été fixé.

De même, si le salarié répond à la mise en demeure de son employeur qu’il ne reprendra pas son travail dans l’entreprise, il sera également considéré comme démissionnaire à la date ultime de reprise du travail fixée par l’employeur.

Attention : même s'il est présumé démissionnaire, le salarié a éventuellement droit à une indemnité compensatrice au titre de ses congés non-pris à la date de sa démission. Par ailleurs, l'employeur doit préparer et tenir à sa disposition ses documents de fin de contrat – à savoir le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte, et l'attestation d’assurance chômage – et ces documents doivent mentionner comme type de rupture du contrat « Démission  » (tout comme dans la DSN).

Quid du préavis de démission ?

Dès lors que le salarié est présumé démissionnaire, les règles de droit commun, s’agissant du préavis en cas de démission, s’appliquent.

Aussi, un préavis de démission est dû si des dispositions législatives ou conventionnelles le prévoient. Il commence à courir à compter du jour ultime fixé par l’employeur pour la reprise du travail de son salarié et celui-ci doit dans ce cas exécuter normalement son travail jusqu’à l’expiration du préavis. A défaut, l’employeur peut lui demander une indemnité compensatrice correspondant aux sommes que le salarié aurait perçues s’il avait exécuté son préavis.

Toutefois, il est probable qu'un salarié en abandon de poste et qui n’a pas répondu à la mise en demeure de son employeur refusera d’exécuter son préavis. Dans cas, le préavis ne sera pas exécuté et l’employeur n’aura pas d’indemnité compensatrice à verser au salarié.

NB : l’employeur peut aussi dispenser son salarié d’exécuter son préavis. Mais dans ce cas attention : le salarié a droit à une indemnité compensatrice correspondant aux salaires qu’il aurait perçus s’il avait pu exécuter son préavis. Par contre, l’employeur et le salarié peuvent aussi se mettre d’accord pour que le préavis ne soit pas exécuté : dans cette situation, aucune indemnité compensatrice n’est due ; la mise en demeure adressée par l’employeur au salarié peut dans ce cas servir de point de départ à la conclusion d’un tel accord.

Recours du salarié

Même s'il n'a pas pas répondu à la lettre de mise en demeure dans le délai, ou a s'il refusé de reprendre son travail, et que par conséquent la présomption de démission est justifiée, le salarié peut néanmoins contester la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption. A cet effet, il peut saisir le conseil de prud'hommes, en faisant appel même, le cas échéant, à une organisation représentative de salariés, afin que cette dernière lui apporte conseil et assistance, ou encore à un avocat.

L'affaire sera alors directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononcera sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statuera au fond dans un délai d'un mois à compter de sa saisine.

Revendication d'un motif légitime par le salarié

Si au contraire, le salarié répond à la mise en demeure en se prévalant auprès de l'employeur d'un motif légitime de nature à faire obstacle à une présomption de démission, la procédure ne pourra pas être conduite à son terme et le salarié ne pourra donc pas être considéré comme démissionnaire.

Il peut notamment invoquer à ce titre :

  • des raisons médicales (celles-ci devant dans ce cas être appuyées d'un certificat médical daté du jour de l'abandon de poste) ;
  • son droit de retrait face à une situation de travail qu'il considère présenter un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ;
  • son droit de grève ;
  • son refus d'exécuter une instruction contraire à une réglementation ;
  • ou le refus d'une modification de son contrat de travail à l'initiative de l'employeur.
  • mais aussi tout autre motif qui pourrait être considéré comme légitime.

Dans ces cas, s'il se confirme que le ou les motifs invoqués sont légitimes, le salarié n'est pas tenu de reprendre son travail tant que l'employeur d'y aura pas remédié.

Source : article L.1237-1 du Code du travail ; décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 (J.O. du 18) ; communiqué Ministère du travail.