10.000 € de dommages-intérêts pour le Gérant révoqué pour de justes motifs mais dans des conditions vexatoires

  • Article publié le 9 mai 2023

C'est bien connu : faire des affaires en famille relève de l'aventure humaine... et c'est encore plus vrai lorsque le divorce s'en mêle.

Le contexte

L'affaire marchait très bien, le Gérant avait fait la preuve de sa compétence, mais il se trouve qu'il avait été nommé quelques années auparavant par sa belle-mère, associée prépondérante de la société, et que son mariage avec la fille de celle-ci était sur le point de se transformer en divorce.

La situation était donc devenue très compliquée du fait de l'imbrication des griefs familiaux et des griefs professionnels.

D'autant plus que, sur le plan professionnel, ce Gérant n'était pas exempt de tout reproche. Les tribunaux ont d'ailleurs confirmé que, si les reproches qui lui étaient adressés coïncidaient avec la dégradation des relations familiales pour un motif extérieur à la société, il n'en restait pas moins que les faits reprochés, pris ensemble, caractérisaient un manque de transparence et de rigueur dans la gestion de la société et constituaient un juste motif de révocation.

Mais pour autant, ce juste motif de révocation ne pouvait justifier, selon les juges, le manque de retenue dont a fait preuve l'actionnaire principale au moment de la révocation.

Dommages-intérêts

Le Gérant révoqué faisait valoir en effet que sa révocation avait été décidée dans son dos, plusieurs mois avant la réunion de l'assemblée générale, et que les associées, sa belle-mère et la soeur de celle-ci, sous couvert de l'exercice de leurs droits d'associées, avaient manoeuvré pour obtenir des informations à exploiter dans sa procédure de divorce.

Mais surtout, il s'est avéré également qu'il avait été menacé et insulté au moment de la révocation, qu'il avait été pris à partie et humilié devant les salariés et qu'il lui avait été demandé de restituer immédiatement l'ensemble des instruments mis à sa disposition pour la gérance.

De fait, il ressortait du dossier que l'assemblée générale s'était tenue dans un bureau attenant à l'open space où travaillait le personnel et que, compte tenu du caractère houleux des débats, celui-ci a pu entendre une partie des propos tenus, et confirmer que le Gérant avait été insulté.

La situation s'est même avérée encore plus tendue à la sortie de l'assemblée générale, l'une des salariées attestant que les salariés avaient alors assisté à une scène choquante et indigne, au cours de laquelle ont fusé des insultes et des provocations envers le Gérant, la plupart des salariés étant en pleurs.

Une autre salariée confirme également avoir assisté à des échanges très haineux, avoir été surprise de la manière dont le Gérant avait été "éjecté" après la décision de révocation, avec des propos tels que "Sors ton portable, les chéquiers, ton ordinateur, tes cartes bleues. Psychologiquement c'était très dur. [....] Ils ont même failli se battre".

Des témoignages accablants qui ont faire dire à la Cour d'appel que ce manque de retenue à l'égard du gérant révoqué caractérisait des circonstances vexatoires que le juste motif de révocation ne pouvait justifier.

Néanmoins, alors qu'en première instance il lui avait été accordé 30.000 € de dommages-intérêts, les juges de la Cour d'appel ont ramené ce montant à 10.000 €, après avoir retenu les seules manœuvres vexatoires ayant entouré la révocation, non le caractère brusque de celle-ci.

Source : Cour d'appel de Paris, arrêt n° 20/06615 du 7 février 2023.