Jurisprudence : le non respect du code du travail constitue un juste motif de révocation du Gérant par les associés

  • Article publié le 24 févr. 2020

C’est ce que vient d’apprendre à ses dépens un cogérant, auquel on reprochait sa gestion désastreuse du personnel, ainsi que le licenciement abusif d’une salariée enceinte.

L’affaire

Le cogérant et associé d’une SELARL de vétérinaires se voit reprocher, dans une lettre émanant de quatre salariés de la société, des faits permanents de harcèlement moral et d’agressivité verbale, des décisions contradictoires, voire incohérentes et déstabilisatrices, qui ne sont pas sans conséquences sur l’organisation du travail et surtout sur l’état de santé de ces salariés.

Il lui est également reproché d’avoir provoqué par son comportement la démission de plusieurs vétérinaires salariés, ainsi que d’avoir procédé au licenciement abusif d’une salariée enceinte.

Estimant que tous ces faits nuisent au bon fonctionnement de la société, les deux autres associés (convoqués à cet effet par l’autre gérant ) décident de le révoquer mais, considérant quant à lui que cette révocation ne repose par sur de justes motifs, il assigne la société en paiement de dommages-intérêts.

Les tribunaux

Infirmant la décision de rejet de sa demande par le tribunal de commerce, la cour d’appel juge au contraire que la révocation de ce cogérant a bien été prononcée sans juste motif, et condamne la Selarl à lui verser la somme de 520.000 € en réparation de son préjudice.

Pour ce qui concerne en effet le harcèlement et les violences verbales, les juges considèrent que ces faits ne sont pas suffisamment établis, soulignant que le courrier des quatre salariés fait plutôt état de contraintes professionnelles conduisant à un surmenage, ce que le cogérant avait lui-même expliqué, au cours de l'assemblée générale statuant sur sa révocation, comme résultant d'absence de personnels ayant conduit à solliciter davantage les salariés présents.

Par ailleurs, s’agissant du licenciement de la salariée enceinte, les juges retiennent que les conséquences financières de ce licenciement abusif ne pouvaient constituer un juste motif de révocation dès lors que cette salariée n'avait engagé aucune action prud'homale à la date de la décision de révocation.

La cour de cassation

La cour de cassation casse et annule ces deux décisions pour les raisons suivantes :

  • S’agissant des faits de harcèlement, il apparaît que, contrairement à ce qu’affirme la cour d’appel, ceux-ci sont précisément et explicitement dénoncés dans la lettre des salariés. Dès lors, en ne prenant en considération qu'une partie de cette lettre, les juges ont violé l’obligation qui leur est faite de ne pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ;
  • Par ailleurs, s’agissant du licenciement abusif, la cour suprême confirme la position qu’elle a déjà eu en la matière, à savoir que, indépendamment de ses conséquences financières éventuelles, ou même de l’absence de conséquences financières, la méconnaissance des dispositions légales en matière de droit du travail, notamment celles relatives à la protection d'une salariée enceinte, peut constituer un juste motif de révocation.

A noter que si cette affaire concernait le Gérant d’une SELARL, elle est tout à fait transposable au Gérant d’une SARL classique.

Source : Cour de cassation, chambre commerciale ; audience publique du 15 janvier 2020 ; pourvoi n° 18-12009 ; non publié au bulletin.