Réforme des retraites : décryptage et simulations pour un Gérant minoritaire ou majoritaire

  • Article publié le 29 janv. 2020

Le projet de loi visant à instituer un système de retraite universel est arrivé à l'Assemblée Nationale. Voici ce qu'il pourrait changer pour vous, en tant que Gérant.e d'une SARL ou d'une EURL, tant au niveau de vos cotisations que de vos futures pensions.

Bien évidemment, il ne s'agit là que d'un résumé provisoire des mesures, telles qu'elles figurent dans la dernière version du projet de loi. Mais celui-ci peut encore faire l'objet de nombreuses modifications, sur lesquelles nous ne manquerons pas de revenir, au fur et à mesure de leur survenance.

Réforme des retraites : le cas des Gérants minoritaires ou égalitaires

Officiellement, le nouveau système universel de retraite entrera en vigueur dès 2022 mais uniquement pour la génération 2004.

Pour les Gérants qui sont actuellement en exercice en revanche (nés avant 2004), il n’entrera en vigueur qu’à partir de 2025, et seuls seront concernés ceux qui sont nés à partir du 1er janvier 1975.

Nota : une ordonnance aménagera ces générations pour les catégories partant actuellement plus tôt en retraite afin d’assurer les mêmes délais d’entrée en vigueur.

Ce nouveau système intègrera l’ensemble des régimes de retraite obligatoires, de base ou complémentaire, sauf toutefois pour les assurés nés avant le 1er janvier 1975, qui resteront affiliés au régime de base et aux régimes complémentaires préexistants, comme aujourd’hui.

Un taux de cotisation identique pour tous

Côté cotisations par contre, tout le monde sera redevable d’un nouveau taux unique et identique pour tous dès le 1er janvier 2025 (y compris donc les personnes nées avant le 1er janvier 1975).

Ce nouveau taux s’établira à 28,12%, et il englobera l’ensemble des régimes de retraite obligatoires, de base ou complémentaire (sauf toutefois pour les assurés nés avant le 1er janvier 1975, qui resteront affiliés au régime de base et aux régimes complémentaires préexistants, comme aujourd’hui).

Cependant, sur ces 28,12 %, seulement 25,31 % permettront d’acquérir des droits pour la retraite, les 2,81 % restants étant consacrés au financement de la solidarité du système.

En outre, ce taux de 28,12 % ne s’appliquera que dans la limite de 3 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (soit un peu plus de 123.000 € actuellement), tandis que seul le taux de 2,81 % sera dû au-delà de ce plafond.

Pour les Gérants qui gagnent plus de 120.000 €, il en résultera une réduction significative des prélèvements acquittés par eux mêmes et par leur société, mais aussi une suppression progressive de leurs droits correspondants à l’assurance retraite.

Enfin, comme aujourd’hui, vos cotisations seront prises en charge par votre société à hauteur de 60 % de leur montant.

En résumé, on aura donc les nouvelles cotisations suivantes :

AssietteJusqu'à 41.136 €De 41.136 à 123.408 €Au-delà de 123.408 €
Taux actuels Taux futurs Taux actuels Taux futurs Taux actuels Taux futurs
Part salariale 11,31 % 11,25 % 10,67 % 11,25 % 10,67 % 1,12 %(*)
Part patronale 16,46 % 16,87 % 16,68 % 16,87 % 16,68 % 1,69 %(*)
Total 27,77 % 28,12 % 27,35 % 28,12 % 27,35 % 2,81 %(*)

(*) Cette cotisation, dite de solidarité, ne génère aucun droit pour la retraite

Un système par points

A partir du 1er janvier 2025, ces cotisations ne permettront plus d’acquérir des trimestres mais des points de retraite.

Nota : selon le projet de loi, les droits acquis avant 2025 seront garantis à 100 % et seront toujours calculés selon la règle des 25 meilleures années.

Les valeurs d’acquisition de ces points seront déterminées chaque année par le conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle, en tenant compte des projections financières du système de retraite. Toutefois, le projet de loi prévoit expressément que ces valeurs ne pourront pas baisser.

Ces points s’acquerront tout au long de la vie professionnelle et seront enregistrés au fil de la carrière sur un compte personnel ouvert au nom de chaque assuré.

Nota : s’ajouteront le cas échéant à ces points acquis moyennant cotisations, des points de solidarité correspondant aux périodes de chômage, de maladie, périodes de réduction ou d’interruption d’activité consacrées à l’éducation des enfants, etc.

Au moment du départ à la retraite, le montant de la pension sera déterminé en calculant le produit des points constitués par l’assuré tout au long de sa carrière et de la valeur de service du point, qui, là encore, sera déterminée par le conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle.

Un âge d’équilibre

L’âge minimal de départ à la retraite reste fixé à 62 ans.

Mais, selon l'article 10 du projet de loi, tel qu'il vient d'être soumis aux députés, le nouveau système fonctionnera avec un « âge d’équilibre », autour duquel s’articulera un mécanisme de bonus/malus.

L’objectif de ce mécanisme est d’inciter les assurés à partir plus tard avec une meilleure pension, tout en préservant leur liberté de choix.

Ainsi, ceux qui partiront en retraite après l’âge d’équilibre bénéficieront d’une majoration, tandis que ceux qui partiront avant devront supporter une minoration de leur pension.

Cet âge d’équilibre sera fixé par décret et il évoluera par génération à hauteur des deux tiers de l’évolution des prévisions d’espérance de vie à la retraite des assurés (soit environ 1 mois par génération, jusqu'à atteindre 67 ans pour ceux nés à partir de 1999).

Quant aux coefficients de majoration et de minoration, ils seront fixés par le conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle avec un encadrement du pouvoir réglementaire.

Mais lors de l’entrée en application du système, ils seront fixés par décret à 5 % par an (0,42 % par mois) comme les actuels taux de décote et surcote.

Nota : selon l'exposé des motifs du projet de loi, cet âge d’équilibre se substituera au mécanisme actuel faisant intervenir la durée d’assurance.
Il permettra aux assurés en situation de précarité, qui n’ont pas réalisé une carrière complète et parmi lesquels les femmes sont surreprésentées, d’éviter, contrairement à aujourd’hui, d’attendre 67 ans (âge d’annulation de la décote) pour liquider leur retraite à taux plein faute d’avoir tous leurs trimestres. Ce sont in fine un tiers des assurés qui pourra partir jusqu’à 3 ans plus tôt que dans le système actuel.
Un tiers des assurés bénéficiera par ailleurs d’un âge d’équilibre individualisé et dérogatoire (inférieur ou égal à 62 ans), afin de prendre en compte les situations spécifiques de pénibilité, de carrières longues d’invalidité, etc.

Carrières longues

Le dispositif de carrières longues sera maintenu afin que les assurés ayant réalisé de longues carrières puissent partir deux ans plus tôt que les autres.

Ce dispositif conservera les conditions d’accès actuelles : il ouvre le droit à un départ en retraite dès 60 ans aux assurés ayant commencé tôt leur activité (avant l’âge de 20 ans) et ayant effectué une carrière longue.

Mais afin de limiter les effets de l’anticipation de leur départ sur le montant de la retraite des assurés concernés par ce dispositif, elle sera calculée avec un âge d’équilibre abaissé de deux années ; par contre, la possibilité de surcoter ne sera pas ouverte avant l’âge d’équilibre de droit commun.

Retraite minimale

Afin de garantir une retraite adéquate à tous les assurés ayant longtemps travaillé sur des rémunérations modestes, le projet de loi garantit à tout assuré ayant effectué une carrière complète un minimum de retraite, égal à :

  • 1.000 € net en 2022 ;
  • 83 % du SMIC net en 2023 ;
  • 84 % du SMIC net en 2024 ;
  • 85 % du SMIC net à partir de 2025.

Ce minimum de retraite constitue un mécanisme de solidarité pleinement intégré à la retraite, et non un minimum social. Il est donc différent du « minimum retraite » déjà en vigueur aujourd’hui (et n’est pas remboursable sur la succession).

Par contre, il n’est ouvert qu’à partir de l’âge d’équilibre.

Réforme des retraites : le cas des Gérants majoritaires et des associés uniques d’EURL

Comme son nom l’indique, le système universel couvre l’ensemble des assurés quelle que soit leur activité professionnelle, y compris donc les non salariés, tels que les Gérants majoritaires de SARL et les associés uniques d’EURL, qu’ils relèvent du régime des artisans-commerçants ou du régime des professionnels libéraux.

D’une façon générale donc, les Gérants non salariés seront soumis aux mêmes dispositions que celles exposées ci-dessus pour les Gérants minoritaires, notamment :

  • application aux personnes nées à partir du 1er janvier 1975 ;
  • entrée en vigueur à partir de 2025 ;
  • retraite par points ;
  • âge minimal de départ à 62 ans, avec un âge d'équilibre à 65 ans ;
  • maintien du dispositif longue carrière ;
  • bénéfice d'un minimum retraite pour les carrières complètes.

Par ailleurs, les non salariés seront eux aussi concernés par le fameux "âge d'équilibre" ou "âge pivot". Mais pour eux, ce dispositif pourrait avoir un effet positif sur leurs pensions puisque, en moyenne, ils liquident leurs droits à retraite bien au-delà de l’âge légal d’ouverture des droits et souvent au-delà de 65 ans. Par conséquent, les travailleurs non-salariés pourront souvent, soit liquider leur pension plus tôt sans décote, soit bénéficier d’une surcote.

Néanmoins, le projet de loi prévoit pour eux plusieurs dispositions particulières :

Invalidité-décès

Les non salariés pourront continuer de disposer de régimes propres pour l’invalidité-décès, dès lors que cette protection ne relève pas de la retraite.

Taux des cotisations

Comme tout le monde, les non salariés seront en principe tenu de cotiser eux aussi au taux de 28,12 % à partir du 1er janvier 2025.

Toutefois, compte tenu du fait qu'ils bénéficient actuellement d'une dégressivité du poids de leurs cotisations pour la part des revenus supérieure au plafond annuel de la sécurité sociale (un peu plus de 40.000 €), le passage à ce taux de cotisation universel de 28,12 % conduirait inévitablement à remettre en cause l’équilibre économique de leur activité.

Aussi le projet de loi prévoit-il les aménagements suivants :

  • jusqu'au plafond de la sécurité sociale (41.136 € actuellement), les non salariés cotiseront au nouveau taux plein, soit 28,12 % ;
  • ensuite, sur la part de leur revenu comprise entre 1 et 3 plafonds, donc entre 41.136 € et 123.408 €, ils cotiseront uniquement à hauteur de la part salariale des cotisations (12,94 %) ;
  • enfin, ces augmentations devraient en partir être compensées par une baisse de l'assiette de la CSG (voir § suivant).

Par contre, ils devront comme les salariés s’acquitter de la cotisation de solidarité (2,81 %) sur la totalité de leur revenu

Il résulte de ces dispositions que, pour les Gérants qui relèvent du régime des artisans-commerçants, les cotisations seront nettement plus élevées, comme on peut en juger par cette projection établie par nos soins :

AssietteTaux moyens actuels
Taux futurs(*)
Jusqu'à 41.136 € 24,80 % 28,12 %
50.000 € 21,95 % 25,08 %
60.000 € 23.67 % 23,06 %
70.000 € 18,13 % 21,61 %
80.000 € 16,94 % 20,53 %
90.000 € 16,07 % 19,69 %
100.000 € 15,28 % 19,01 %
110.000 € 14,67 % 18,46 %
120.000 € 14,16 % 18,00 %
Au-delà de 120.000 €
13,73 % 2,81 %

(*) dont 2,81 % au titre de la cotisation solidarité

Baisse de la CSG

Actuellement, la détermination du revenu des non salariés soumis à cotisation est particulièrement complexe et – contrairement aux salariés – l’assiette qui en découle est différente de celle de la CSG.

En effet, alors que l’ensemble des autres cotisations sont calculées sur le revenu net imposable, la CSG est calculée sur le revenu ou le bénéfice net, majoré du montant des cotisations sociales (revenu super-brut).

Le projet de loi prévoit donc d’unifier le calcul de l’assiette des cotisations et de la CSG. Cette assiette serait définie comme l’équivalent d’une assiette brute qui serait calculée à partir d’un abattement forfaitaire appliqué au revenu déclaré.

Cette nouvelle assiette aurait pour conséquence de diminuer la CSG, ce qui compenserait l’augmentation des cotisations retraite issues du nouveau système.

Cotisation minimale

Pour les Gérants qui ne perçoivent pas de rémunération (ou une rémunération très faible), une cotisation minimale de retraite continuera d’être due, comme aujourd’hui.

Toutefois, alors que l’assiette de cette cotisation minimale est actuellement fixée à 450 SMIC horaire, ce qui permet de ne valider que 3 trimestres par an, le projet de loi prévoit d’augmenter cette cotisation minimale à 600 SMIC horaire, afin de leur permettre de valider 4 trimestres par an, et donc in fine une carrière complète.

Néanmoins, il ne s’agira que d’un droit d’option et cette augmentation restera donc facultative.

Cumul emploi-retraite

Les Gérants non salariés en situation de cumul emploi retraite ne seront plus redevables des montants minimaux de cotisations. Ils cotiseront ainsi de manière proportionnelle à leur revenu et s’ouvriront de nouveaux droits à due concurrence de ces cotisations.

Selon le projet de loi, ces évolutions permettront de mettre fin aux difficultés actuelles engendrées par l’assujettissement à cotisation minimale des non salariés poly-actifs, des travailleurs saisonniers et des retraités en reprise d’activité.

EURL ayant opté pour le régime de la micro-entreprise

Les non salariés qui ont opté pour le régime simplifié de la micro-entreprise ne s’acquittent aujourd’hui d’aucune cotisation minimale obligatoire.

Le nouveau système prévoit d’améliorer cette situation en leur permettant d’acquérir, sur option de leur part, une garantie minimale de points chaque année.

Professions libérales

Selon l’actuel projet de loi, tel qu’il vient d’être déposé à l’Assemblée Nationale, les professions libérales devront elles aussi entrer dans le nouveau système universel de retraite.

Mais celles-ci étant caractérisées par une grande diversité de barèmes de cotisations, qui varient selon la profession exercée, la convergence des cotisations vers le barème unique ne pourra se faire, à partir de 2025, que selon une transition très progressive et selon des modalités adaptées à la situation de chaque population.

Pour les professions les plus éloignées de ce barème, le projet de loi prévoit une transition sur une période pouvant aller jusqu'à 15 ans

Source : projet de loi visant à instituer un système de retraite universel ; version du 24 janvier 2020.

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