Jurisprudence : lorsque deux époux sont associés dans la même société, chacun a droit à sa part sur les bénéfices

  • Article publié le 1 sept. 2023

Quand bien même ils seraient mariés sous un régime de communauté, les juges considèrent que deux époux associés dans la même société peuvent revendiquer séparément leur part sur les bénéfices.

L'affaire

Monsieur possède 200 parts, tandis que Madame, qui est également la Gérante, en possède 9.800.

Chaque année, la totalité des dividendes, y compris la part de Madame donc, est versée au nom de Monsieur et déposée sur un compte bancaire qu'ils possèdent en commun.

Survient le divorce... et c'est alors que Madame assigne à la fois la société et son époux aux fins de paiement de ses dividendes non perçus personnellement au cours de leur vie commune.

Les juges

Dans un premier temps, les juges rejettent sa demande.

Ils considèrent en effet que sa demande à l'encontre de la société est irrecevable dès lors que celle-ci a versé les sommes dues, et que Monsieur est réputé légalement, en vertu des articles 1421 et 1401 du code civil, les avoir perçues pour le compte de la communauté.

De même, sa demande à l'encontre de son époux ne peut être retenue dès lors que, une fois perçus, les dividendes sont devenus acquêts de la communauté et que, en vertu de l'article 1421 du Code civil, chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer, sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion (fautes qui, en l'occurrence n'avaient pas été démontrées).

Cassation

Au contraire, les juges de la cour suprême donnent raison à Madame.

Pour eux en effet, la solution de l'affaire se résume en cette seule sentence : tout associé a seul qualité pour percevoir les dividendes !

En d'autres termes, lorsque deux époux sont associés au sein d'une même société, chacun exerce personnellement ses droits d'associés... si bien que, à moins que l'un des époux ait donné son accord (de préférence par écrit) pour que ses dividendes soient versés entre les mains de son conjoint, la société ne peut valablement se libérer des dividendes qu'entre les mains de chacun d'entre eux en fonction de leurs droits respectifs d'associés.

Il en est ainsi quel que soit leur régime matrimonial, et même si les parts avaient été acquises avec des fonds communs.

Enfin, ceci vaut aussi bien dans une société constituée exclusivement entre deux époux que dans une société où deux époux sont associés.

Conclusion

Lorsque deux associés sont mariés, deux chèques doivent être établis, et chacun doit correspondre à la part de son destinataire dans les bénéfices.

Et si les dividendes doivent être payés par virement sur un compte joint (M. ou Mme), mieux vaut soumettre l'utilisation de ce compte à l'accord de chacun des deux époux avant d'effectuer le virement.

Source : Cour de cassation, chambre civile 1, pourvoi n°13-25820.