Jurisprudence : l'abus de champagne est dangereux pour le Gérant

  • Article publié le 27 févr. 2019

Le champagne doit être consommé avec modération... c'est bien connu mais c'est encore plus vrai si on le fait payer par sa société.

L'affaire

Le Gérant d'une SARL, ainsi que son épouse, agissant en tant qu'associée et responsable administratif et financier de cette société, sont déclarés coupables, respectivement, du délit d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux, pour avoir fait passer sur le compte de leur société 88 achats de bouteilles de champagne pour une somme totale de près de 132.000 euros, soit entre 8.000 et 9.000 bouteilles, ainsi que diverses dépenses de réception.

Faisant valoir qu'il s'agissait de cadeaux pour la clientèle et pour les salariés de la société, les deux époux demandent à la cour de cassation d'annuler ce jugement.

La cour de cassation

Selon les juges, les clients de la société, contactés par les enquêteurs, ayant déclaré n'avoir jamais bénéficié de tels présents, et la défense échouant à rapporter la preuve contraire, ces achats ne sauraient être considérés comme des cadeaux à la clientèle.

De plus, les juges ajoutent que la consommation de bouteilles de champagne au sein de la société, ou leur utilisation comme cadeaux à des salariés, ne peut être considérée que comme marginale au vu de l'objet social de la société (sécurité, gardiennage) et des documents produits.

Ils en déduisent que ces achats effectués par le gérant de la société avec des fonds de cette dernière doivent être considérés comme ayant été faits non pas dans l'intérêt de la société mais à des fins personnelles. Il s'agit donc bien d'un cas d'abus de biens sociaux.

Par ailleurs, s'agissant de l'épouse, l'arrêt retient qu'il résulte des éléments de l'enquête que cette dernière a été bénéficiaire, au moins en partie, des achats effectués par le Gérant en matière de séjours, champagne et vêtements.

En outre, elle ne saurait utilement prétendre, par sa position de responsable administratif et financier de la société, qu'elle n'a pas eu connaissance de ce que les achats constitutifs d'abus de biens sociaux étaient passés dans la comptabilité de la société.

Enfin, dès lors que, en connaissance de cause, elle a bénéficié du train de vie de son époux permis par les faits d'abus de biens sociaux dont ce dernier a été reconnu coupable, les juges confirment le délit de recel à son encontre.

Le verdict

  • pour Monsieur : un an d'emprisonnement + 15 000 euros d'amende ;
  • pour Madame : 4 mois d'emprisonnement avec sursis ;
  • pour les deux : 172.500 € à payer solidairement au titre du préjudice matériel + 2.500 € chacun au titre du rejet des pourvois en cassation
  • pour la SARL : 5 000 euros d'amende + confiscations.

Voilà qui augmente sérieusement le prix du champagne... et qui pourrait dégoûter à tout jamais d'en consommer.

Source : Cour de cassation, chambre criminelle, audience du 30 janvier 2019 ; pourvoi n° 17-85304 : publié au bulletin.