Loi de finances pour 2025 : les mesures concernant les entreprises
- Article publié le 24 oct. 2024
C'est bien connu, le diable se cache dans les détails. De fait, ce sont finalement près de 30 milliards d'euros – et non plus 20 milliards comme annoncé – qui vont être mis à la charge des contribuables, dont les 3/4 pour les entreprises.
Création d'une contribution exceptionnelle assise sur l’IS des grandes entreprises
Pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2024, cette contribution s'élèverait à 20,6 % du montant de l'IS payé par les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 1 milliard d'euros et inférieur à 3 milliards. Ceci portereait donc leur taux d' IS à un peu plus de 30 %. Pour celles dont le chiffre d'affaires est égal ou supérieur à 3 milliards, le taux de cette contribution serait doublé (41,2 %), soit un taux d'IS de 35 %.
L’exercice suivant, les taux de cette contribution seraient réduits respectivement à 10,3 % et 20,6 %.
Par ailleurs, à l’instar des précédentes contributions exceptionnelles ou additionnelles à l’impôt sur les sociétés, celle-ci ne sera pas déductible du résultat imposable des entreprises redevables. En outre, ni les réductions et crédits d’impôt applicables à l’impôt sur les sociétés, ni les autres créances fiscales, comme les créances de report en arrière des déficits, ne seront imputables sur cette contribution exceptionnelle.
Taxation des rachats d'actions
Là encore, cette mesure ne concernne que les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 1 milliard d’euros. Mais contrairement à la précédente, qui est temporaire, celle-ci sera pérenne. Ces enterprises seraient en effet soumises, désormais, à une taxe de 8 % sur le montant d'une réduction de capital réalisée, à compter du 10 octobre 2024, à la suite d’un rachat d’actions (rachat-annulation de titres). Cette taxe ne serait pas déductible des résultats.
Report de trois ans de la suppression progressive de la CVAE
Cette fois-ci par contre, toutes les entreprises sont concernées. Initialement engagée l'année dernière, la suppression progressive de la CVAE a ensuite été aménagée en 2024 afin de l’échelonner sur quatre années, c’est-à-dire jusqu’en 2027.
Mais compte tenu de l'état des finances publiques, le projet de loi propose de décaler de 3 ans la trajectoire initiale de cette baisse. Alors qu'elle devait avoir lieu de 2025 à 2027, elle est décalée de 2028 à 2030.
Concrètement, les taux d’imposition à la CVAE serait maintenus à leur niveau de 2024 pour les années 2025 à 2027, soit, pour le taux maximal, 0,28 %, et ce taux sera ensuite abaissé à 0,19 % en 2028, 0,09 % en 2029, et la CVAE serait totalement supprimée en 2030.
Modification du régime fiscal des BSPCE
Ceci ne concerne pas les SARL, mais uniquement les sociétés par actions, comme les SAS par exemple. Dans ces sociétés, les BSPCE sont une catégorie particulière de "stock options", qui consiste en la délivrance d'un bon d'achat de titres de la société à un prix fixé le jour de son attribution. La revente ultérieure du titre permet au bénéficiaire de réaliser une plus-value qui est d'autant plus avantageuse que l'entreprise a prospéré de manière significative. Cette incitation, à la fois financière et fiscale, encourage ainsi les salariés et dirigeants à participer au développement de leur entreprise.
Mais selon le projet de loi, qui se conforme à cet égard à une décision du Conseil d'Etat, les BSPCE souscrits en exercice ne pourraient plus être inscrits sur un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (PEA-PME), ni sur un plan d’épargne entreprise (PEE), un plan d’épargne interentreprises (PEI) ou encore sur un plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO).
Par ailleurs, le projet de loi ouvre droit, conformément à la décision du Conseil d’État, au bénéfice des dispositifs de sursis et de report d’imposition pour le gain de cession, de nature patrimoniale, mais l’impôt afférent au gain d’exercice, de nature salariale et désormais distingué du gain de cession, demeure exigé au moment de l’apport.
Surtaxation des dividendes (et de certaines plus-values de cession) pour les hauts revenus
C'est désormais confirmé, la surtaxe sur les hauts revenus, dite CDHR (pour Contribution Différentielle sur les Hauts Revenus) ne devrait viser que les contribuables dont le revenu est supérieur à 250.000 € pour un célibataire et 500.000 € pour un couple. Elle s'appliquerait par ailleurs à titre provisoire, sur les revenus de 2024, 2025, et 2026, et elle serait égale à la différence entre :
- 20 % du revenu ;
- et le montant de l'impôt effectivement dû avant application de cette surtaxe, majoré de 1.500 € par personne à charge et de 12.500 € pour les contribuables soumis à imposition commune.
Cependant, le revenu à retenir n'est pas le revenu imposable mais le revenu fiscal de référence (RFR). Or, celui-ci est beaucoup plus large puisqu'il s'entend avant déduction des sommes déductibles du revenu, comme par exemple les sommes versées sur un PER, ou les divers abattements existant.
En outre, s'agissant des dividendes, des intérêts sur les comptes courants d'associés, des plus-values de cessions de parts ou d'actions et autres revenus de capitaux mobiliers, ce projet remet en cause sans le dire la flat tax de 30 %. Car pour les personnes concernées en effet, tous ces revenus seront taxés désormais à 37,2 % (20 % au titre de l'impôt + 17,2% au titre des prélèvements sociaux) au lieu de 34 % aujourd'hui (30 % + la contribution sur les hauts revenus de 4 %).
En outre, s'agissant des plus-values réalisées à l'occasion d'une cession de parts sociales ou d'actions, les abattements pour durée de détention (abattements pouvant aller jusqu'à 85 % selon le cas) ne seront pas déduits pour comparer le revenu perçu aux seuils de 250.000 ou de 500.000 € (alors que l'abattement de 500.000 € pour départ en retraite est déduit).
Néanmoins, le projet de loi prévoit que, pour la détermination du revenu à retenir, les revenus qui, par leur nature, ne sont pas susceptibles d’être recueillis annuellement et dont le montant dépasse la moyenne des revenus nets d’après lesquels le contribuable a été soumis à l’impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, sont retenus pour le quart de leur montant seulement.
Ainsi, la formule de cette surtaxe s'établira comme suit :
Surtaxe = 20 % (RFR - 3/4 revenus exceptionnels) - (IR + CEHR + MF)
Exemple :
Un contribuable célibataire sans personne à charge perçoit un salaire net imposable de 60.000 € et réalise la même année une plus-value à l'occasion de la vente de ses parts sociales d'un montant de 300.000 €. Compte tenu de l'abattement de 10 % sur son salaire, son RFR s'élève donc à 354.000 € (54.000 + 300.000). Cette plus-value ouvrant droit, par hypothèse, à l'abattement pour durée de détention de 85 %, elle n'est normalement imposable qu'à hauteur de 45.000 €. Avant la surtaxe, son revenu imposable se serait donc élevé à 54.000 + 45.000 = 99.000 €, et son impôt à 15.246 € + 3.120 € au titre de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (354.000 - 250.000) x 3 % + 51.600 € au titre des prélèvements sociaux sur la plus-value (17,2 % de 300.000), soit un total de 69.966 €. Mais, par application de la formule ci-dessus, il sera en plus redevable de la surtaxe sur les hauts revenus, laquelle s'établira à :
20 % de (354.000 - 225.000) - (15.246 + 3.120 + 0) = 7.434 €.
Toutefois, afin d'atténuer les effets de seuils, le projet de loi prévoit un système de minoration de la base de calcul de la surtaxe pour les contribuables dont le RFR n'excède pas 330.000 €, pour une personne célibataire, veuve ou divorcée, ou 660.000 € pour un couple soumis àimposition commune. Dans ce cas en effet, la base d'imposition serait diminuée de 82,5 % de la différence entre le RFR et 250.000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés ou 500 000 € pour les contribuables soumis à imposition commune.
Durcissement du régime des locations en meublé non professionnels (LMNP)
Les contribuables relevant du régime de la LMNP peuvent, sous certaines conditions, déduire de leurs recettes locatives imposables les amortissements afférents au logement loué sans que ceux-ci ne soient pris en compte dans le calcul de la plus‑value lors de la cession dudit logement, ce qui n'est pas le cas pour les loueurs professionnels.
Le projet de loi prévoit donc, afin d’assurer une plus grande égalité de traitement entre les loueurs professionnels et non professionnels, que les amortissements déduits pendant la période de location d’un bien soient effectivement pris en compte lors de sa cession pour le calcul de la plus‑value immobilière afférente.
Ces dispositions s’appliqueront aux plus‑values réalisées à raison des cessions intervenant à compter du 1er janvier 2025.
Relèvement du taux de TVA sur les opérations liées au chauffage
Conformément aux dispositions européennes, les prestations de rénovation énergétique et la fourniture et l’installation de chaudières recourant à des énergies fossiles ne pourront plus bénéficier des taux réduits ou intermédiaires de TVA (5,5 % ou 10 %) et seront donc assujettis au taux normal de 20 %. Néanmoins, les travaux d’entretien ou de réparation sur les chaudières existantes ne sont pas concernés et resteront éligibles aux taux réduits.
Si cette disposition est adoptée par le Parlement, elle s'appliquera aux opérations réalisées à compter du 1er janvier 2025.
Augmentation de la TVS et du malus automobile
Même si ceci ne figure pas dans le projet de loi de finances de cette année (cette hausse a été adoptée l'année dernière), rappelons que les deux composantes de la taxe sur les voitures de sociétés (TVS) vont fortement augmenter cette année et les deux années à venir (voir notre article à ce sujet). Mais comme si cela ne suffisait pas, ce nouveau projet de loi de finances y ajoute une importante hausse du malus automobile, qui peut s'appliquer à l'achat d'un véhicule, aussi bien par les particuliers que par les entreprises.
Le barème de ce malus va en effet être renforcé en abaissant son seuil de 5g/CO2/km en 2025 et de 7g/CO2/km en 2026 et 2027, pour atteindre à cette date une taxation dès 99 g/km de CO2 émis (au lieu de 118 g aujourd'hui). Parallèlement, pour cibler spécifiquement les véhicules les plus émetteurs, le tarif maximal est renforcé de 10.000 € par an pour atteindre 90.000 € en 2027 sur les véhicules dont le taux d'émission de CO2 est égal ou supérieur à 185 g/km (au lieu de 33.000 € aujourd'hui).
En outre, le projet de loi prévoit également de limiter, dès 2025, le bénéfice de l’abattement sur la taxe au poids dont profitent aujourd’hui tous les véhicules hybrides non-rechargeables aux seuls véhicules performants sur le plan environnemental, et de poursuivre, en 2026, le renforcement de cette taxe en abaissant de 100 kg le seuil de déclenchement du dispositif, actuellement fixé à 1.600 kg par véhicule.
Parallèlement, que ce soit pour le malus CO2 ou la taxe au poids, les abattements pour les entreprises et les associations qui acquièrent des véhicules d’au moins 8 places sont adaptés afin de ne pas pénaliser les véhicules servant au transport collectif.