Réforme des baux commerciaux et des baux précaires : tout ce qui change

  • Article publié le 25 juin 2014

Augmentation du loyer, états des lieux obligatoires, répartition des charges, droit de préemption du locataire, durée des baux précaires... la législation sur les baux commerciaux vient de faire l'objet de nombreuses modifications favorables aux locataires.

Encadrement de l'évolution du loyer en cours de bail

Le loyer des baux commerciaux et professionnels fait l'objet, en cours de bail, d'une indexation annuelle ou triennale.

Jusqu'ici, celle-ci pouvait être basée sur l'indice du coût de la construction (ICC), l'indice des loyers commerciaux (ILC) ou sur l'indice des loyers des activités tertiaires (ILAT).

Mais pour les baux conclus ou renouvelés à partir du 1er septembre 2014, l'utilisation de l'indice du coût de la construction n'est plus possible. Seuls peuvent donc être utilisés dans ce cas :

  • l'ILC pour les activités commerciales, artisanales et industrielles ;
  • l'ILAT pour les activités tertiaires autres que commerciales et artisanales.

Encadrement du déplafonnement du loyer en fin de bail

A la fin d'un bail commercial, propriétaire et locataire se mettent le plus souvent d'accord pour un renouvellement de celui-ci. Cependant, il est fréquent que, notamment si la valeur locative du local a fortement augmenté, ce renouvellement s'accompagne d'un déplafonnement du loyer, celui-ci subissant dès lors une hausse qui peut s'avérer importante.

Désormais, la nouvelle loi dispose que la hausse du nouveau loyer déplafonné ne pourra excéder 10 % du dernier loyer acquitté.

Cet encadrement s'applique aux renouvellements intervenus à compter du 1er septembre 2014.

Des états des lieux d'entrée et de sortie obligatoires.

Désormais, lors de la prise de possession des locaux par le locataire en cas de conclusion d'un bail, de cession du droit au bail, de cession ou de mutation à titre gratuit du fonds et lors de la restitution des locaux, un état des lieux doit être établi contradictoirement et amiablement par le bailleur et le locataire ou par un tiers mandaté par eux.

Cet état des lieux doit être joint au contrat de location ou, à défaut, conservé par chacune des parties.

S'il ne peut être établi dans les conditions ci-dessus, il doit être établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.

Cette nouvelle obligation d'état des lieux s'applique à tout nouveau bail conclu à compter du lendemain de la parution de la loi au Journal Officiel, soit à compter du 20 juin.

Elle s'applique également à toute restitution d'un local intervenant à comper de cette date, dès lors qu'un état des lieux avait été établi lors de la prise de possession.

La répartition des charges entre propriétaire et locataire mieux définie.

Désormais, tout contrat de location doit comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, et comporter l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire.

Cet inventaire donne également lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire.

Par ailleurs, en cours de bail, le bailleur doit informer le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.

De même, lors de la conclusion du contrat de location, puis tous les trois ans, le bailleur doit communiquer à chaque locataire :

  1. Un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel ;
  2. Un état récapitulatif des travaux qu'il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût.

Un décret est venu apporter les précisions suivantes à ce sujet :

Dépenses et impôts ne pouvant être imputés au locataire

Ne peuvent être répercutés sur le locataire dans le cadre d'un bail commercial :

  1. Les dépenses dites de grosses réparations, à savoir celles relatives aux gros murs, aux voûtes, au rétablissement des poutres et des couvertures entières, aux digues, aux murs de soutènement et de clôture (aussi en entier), ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;
  2. Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées précédemment ;
  3. Certains impôts et taxes (voir ci-dessous) ;
  4. Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l'immeuble faisant l'objet du bail ;
  5. Dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d'autres locataires.

Dépenses pouvant être répercutées sur le locataire

Peuvent être répercutées sur le locataire toutes les dépenses qui sont considérées comme étant liées à l’occupation des locaux, à savoir :

  • les dépenses courantes d’eau, de gaz et d’électricité,
  • les dépenses d’équipement de la copropriété (quote-part des frais d’ascenseurs ou des charges du personnel d’entretien),
  • les travaux d’embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l’identique.

Cas particulier des impôts et taxes

Les impôts, notamment la Contribution Economique Territoriale (qui comprend la CFE et la CVAE), ainsi que les taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l'immeuble sont à la charge du bailleur.

Toutefois, le décret prévoit expressément que peuvent être imputés au locataire, la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement, notamment la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

Obligations du bailleur

Chaque année, le bailleur est tenu de remettre au locataire un état récapitulatif des charges annuelles se rapportant au local loué.

Ce document doit en outre préciser leur répartition entre locataire et propriétaire, et il doit être remis au locataire au plus tard le 30 septembre de l'année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou, pour les immeubles en copropriété, dans le délai de trois mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l'exercice annuel.

Par ailleurs, le bailleur doit communiquer au locataire, sur demande de celui-ci, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances qu'il lui a imputés.

Enfin, le bailleur est également tenu, lors de la conclusion du contrat de location, puis dans le délai de deux mois à compter de chaque échéance triennale, de communiquer au locataire :

  1. Un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel ;
  2. Un état récapitulatif des travaux qu'il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût.

Là encore, le bailleur est tenu, si le locataire en fait la demande, de lui communiquer tout document justifiant du montant de ces travaux.

Possibilité de dénoncer le bail par lettre recommandée

Jusqu'ici, la dénonciation d'un bail commercial devait obligatoirement être effectuée par acte extra-judiciaire, c'est-à-dire par voie d'huissier de justice.

Désormais, le congé peut être donné, au libre choix des parties (ndlr : c'est-à-dire selon ce qui est mentionné dans le bail), soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, soit par acte extra-judiciaire.

Nota : lorsque le congé est donné par lettre recommandée avec AR, la date du congé est celle de la première présentation de la lettre.

Un droit de préemption du locataire en cas de vente du local commercial

Désormais, lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il doit en informer le locataire par lettre recommandée avec AR, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement.

Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée, et elle vaut offre de vente au profit du locataire.

Ce dernier dispose alors d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer.

En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Toutefois si, dans sa réponse, il a notifié son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.

Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.

Ces nouvelles dispositions s'appliquent à toute cession d'un local intervenant à compter du 1er décembre 2014.

La durée maximale du bail précaire portée à trois ans au lieu de deux

Pour différentes raisons, propriétaires et locataires peuvent souhaiter échapper aux statut des baux commerciaux et signer un bail dérogatoire (communément appelé « bail précaire »).

Cependant, alors que jusqu'ici, celui-ci ne pouvait excéder 2 ans, cette durée maximale est portée à 3 ans.

Au terme de ces trois ans, les parties ne peuvent plus, comme c'était déjà le cas auparavant, conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux, et le locataire doit quitter les lieux, à moins que le bailleur accepte de consentir un nouveau bail, auquel cas celui-ci doit obligatoirement être commercial et conclu pour une durée de 9 ans.

Source : Titre 1er de la Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, J.O. du 19.